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Full text of "Monseigneur de Laval, premier évêque de Québec [microforme] : esquisse biographique"

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23 WEST MAIN STREET 

WEBSTER, N. Y. KS80 

(716) 872-4503 



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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 



CIHM/ICMH 
Collection de 
microfiches. 





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Canadian Institute for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductio'is historiques 



©1981 



Technical and Bibliographie Noter./Notes techniques et bibliographiques 



The Institute has attempted to obtain the best 
original copy available for filming. Features of this 
copy which may be bibliographically unique, 
which may alter any of the images in the 
reproduction, or which may significantly change 
the usual method of filming, are checked below. 



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□ 



Colcured covers/ 
Couverture de couleur 

Covers damaged/ 
Couverture endommagée 

Covers restored and/or laminated/ 
Couverture restaurée et/ou pelliculée 

Cover titie missing/ 

Le titre de couverture manque 

Colourod maps/ 

Cartes géographique:: en couleur 

Coloured ink (i.e. other than blue or black)/ 
Encre de couleur (i.e. autre que bîeue ou noire) 

Coloured plates and/or illustrations/ 
Planches at/ou illustrations en couleur 

Bound with other matériel/ 
Relié avec d'autres documents 

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along interior margin/ 

La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la 
distortion le long de la marge intérieure 

Blank leaves added during restoration may 
appear within the text. Whenever possible, thèse 
hâve been omitted from filming/ 
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées 
lors d'une rer^auration apparaissent dans le texte, 
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont 
pas été filmées. 

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Commentaires supplémentaires; 



L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire 
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails 
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du 
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier 
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une 
modification dans la màthode normale de filmage 
sont indiqués ci-dessous. 



I I Coloured pages/ 



Pages d") couleur 

Pages damaged/ 
Pages endommagées 



□ Pages restored and/or laminated/ 
Pages restaurées et/ou pelliculées 




Pages discoloured, stained or foxed/ 
Pages décolorées, tachetées ou piquées 



I j Pages detached/ 



D 



Pages détachées 

Showthrough/ 
Transparence 

Quality of prir 

Qualité inégale de l'impression 

Includes supplementary materic 
Comprend du matériel supplémentaire 

idition available/ 
édition disponible 



I 7\ Showthrough/ 

I I Quality of print varies/ 

I I Includes supplementary matériel/ 

□ Only édition available/ 
Seule 



Pages wholly or partially obscured by errata 
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to 
ensure the best possible image/ 
Les pages totalement ou partiellement 
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure, 
etc., ont été filmées à nouveau de façon à 
obtenir la meilleure image possible. 



This Item is filmed at the réduction ratio checked below/ 

Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous. 

lOX 14X 18X 22X 



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12X 



16X 



20X 



26X 



30X 



24X 



n 



28X 



32X 



The copv filmed hère has been reproduced thanks 
to the gcnerosity of : 

National Library of Canada 



L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la 
générosité de: 

Bibliothèque nationale du Canada 



The images appearing hère are the bost quality 
possible considering the condition and legibility 
of the original copy and in keeping with the 
filming contract spécifications. 



Les images suivantes ont été reproduites avec le 
plus grand soin, compte tenu de la condition et 
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en 
conformité avec les conditions du contrat de 
filmage. 



Original copies in printed paper covers are tilmed 
beginning with the front cover and ending on 
the last page wi..h a printed or illustrated impres- 
sion, or the back cover when appropriate. AH 
other original copies are filmed tieginning on the 
first page with a printed or illustrated impres- 
sion, and ending on the last page with a printed 
or illustrated impression. 



Les exemplaires originaux dont la couverture en 
papier est imprimée sont filmés en commençant 
par le premier plat et en terminant soit par la 
dernière page qui comporte une empreinte 
d'impression ou d'illustration, soit par le second 
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires 
originaux sont filmés en commençant par la 
première page qui comporte une empreinte 
d'impression ou d'illustration et en terminant par 
la dernière page qui comporte une telle 
empreinte. 



The last recorded frame on each microfiche 
shati contair the symbol — «»- (meaning "CON- 
TINUED "), or the symbol V (meaning "END"), 
whichever applies. 



Un des symboles suivants apparaîtra sur la 
dernière image de chaque microfiche, selon la 
cas: le symbole — •► signifie "A SUIVRE ", le 
symbole V signifie "FIN". 



Maps, plates, charts, etc., may be filmed at 
différent réduction ratios. Those too large to be 
entirely inciuded in one exposure are filmed 
beginning in the upper left hand corner, left to 
right and top to bottom, as many frames as 
required. The following diagrams illustrate the 
method: 



Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être 
filmés à des taux de réduction différents. 
Lorsque le document est trop grand pour être 
reproduit en un s^ul cliché, il est filmé à partir 
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite, 
et de haut en bas, en prenant le nombre 
d'iiTiG^es nécessaire. Les diagrammes suivants 
illustrent la méthode. 



1 


2 


3 




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4 5 6 



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MONSEIGNEUR DE LAVAL 



PREMIER EVÊQUE DE QUÉBE 







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QUISSE BIOGRAPHIQUE 



MONSEIGNEUR DE I.AVAL 



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PESMIER ÉVÊQUE DE QUÉBEC 



Par l'abbé H. TÊTU 



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IMPRIMERIE DE P-G DELISLE 
1, rue Port Dauphin 

1887 






Enregistré conformément à l'Acte du Parlement du 
Canada, en Tannée 1887, par l'abbé H. Têtu, au 
bureau du Ministre de l'Agriculture, à Ottawa. 



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APPROBATION 



Abchevêché de Québec, 1er Mars 1887. 

Au Revd. M. H. Têtu, Pt-e, 

Aumônier de l'Archevêché. 

Mon cher Monsieur, 

Vous vous proposez do publier un^î esquisse biogra- 
phique sur Mgr de Laval, et vous la destinez surtout au 
peuple. 

Il y a longtemps que l'on demande un écrit de cette 
nature : vous rencontrerez donc, je l'espère, les voeu x 
d'un très grand nombre de lecteurs. 

Vous ferez connaître d'avantage ce grand serviteur 
de Dieu et vous le ferez aimer. Bien plus, vous déve- 
lopperez la dévotion envoies lui : comment ne pas croire 
que celui qui a fait de si grandes choses sur la terre, 
n'ait pas acquis auprès de Dieu le pouvoir d'être encore 
utile à son cher troupeau ? 

D'après les témoignages qui ont été rendus dans le 
procès préliminaire de sa béatification, Mgr de Montmo- 
rency Laval a été un nouveau François-Xavier par son 
zèle d'apôtre, un nouveau François d'Assise par sa mor- 
tification et son esprit de pauvreté ; un nouvel Ambroise 
par sa fermeté à sauvegarder les droits de l'Eglise ; un 
nouveau Thomas de Villeneuve par sa prudence et sa 
sagesse. On voit rayonner sur son front l'auréole de 
de toutes les vertus. 

C'est notre ferme espérance qu'un jour l'Eglise lui 
décernera un culte public. 

Ce sera votre bonheur, mon cher confrère, d'avoir 
contribué par votre publication, à cet heureux événe- 
ment. 

J'ai l'honneur d'être, 

Votre très dévoué E. N. S., 

CYRILLE E. LEGARÉ, V. G., 
• * . - - ' Administrateur, 






DÉCLARATION DE L' AUTEUR 



^ Si nous donnons à Mgr de Laval et 
à d'autres personnages dont il est parlé 
dans cet opuscule le titre de saint, et si 
nous parlons de quelques miracles 
attribués aux mêmes, nous déclarons 
qu'en cela nous n'avons eu nullement 
l'intention de prévenir le jugement 
de l'Eglise. 



AVANT-PROPOS 



La mémoire du premier Evêque de 
Québec est profondément gravée dans 
tous les cœurs Canadiens. Cependant, 
jusqu'à ces dernières années, si l'on s'est 
rappelé son nom à jamais béni, peut- 
être ne s'est-on pas suffisamment occupé 
d'étudier sa vie et ses vertus éminentes. 
Sans doute, le souvenir de Monseigneur 
de Laval est toujours vivant dans les 
maisons religieuses du pays, et toutes 
donnèrent des preuves non équivoques 
de leur amour et de leur admiration 
pour lui, au grand jour de la transla- 
tion de ses restes vénérés ; sans doute 
aussi, il y aune maison où l'on n'a cessé 
de louer et de célébrer ses œuvres en 
même temps que ses vertus. Tous 
les ans, au 30 avril, jour anniversaire 

de la naissance de l'illustre Prélat, le 



8 — 



séminaire de Québec tressaille de joie, 
et dans l'élan de sa reconnaissance, il 
chante et exalte le nom de celui t^v^i fut 
son Père. Le charmant petit journal 
" l'Abeille " a été pendant longtemps 
l'écho de ces douces fêtes de famille et 
on y peut lire bien des pages attendris- 
santes et instructives sur la vie de 
Monseigneur de Laval. 

Toutefois, disons-le franchement, le 
peuple ne connaît pas assez cette A^ie 
admirable et édifiante ; s'il la connais- 
sait, il prierait davanl;age, et hâterait 
par ses prières ferventes l'heureuse issue 
du procès de la canonisation C'est pour 
atteindfe ce but, que nous publions 
aujourd'hui uner esquisse biographique 
à la portée de toutes les intelligences, et 
où quelques traits particuliers de sa vie 
le feront connaître et chérir davantage. 



CHAPITRE I 



Naissance de Mgr de Laval.— Sa vie à l'Hormitage de 
Caen. — II est nomme Vicaire Apostolique de la Nou- 
velle Franco. — Son départ. — Il arrive à l'Ile Percée. 



Mgr de Laval naquit dans le diocèse 
de Chartres le 30 avril 1623. Son père 
Hugues de Laval était seigneur de 
Montigny et de Montaubry, sa mère 
s'appelait Michelle Péricard. 

A la même époque, le chef de la mai- 
son de Montmorency portait le titre de 
vice-roi de la Nouvelle-France et Cham- 
plain édifiait le château Saint-Louis sur 
les hauteurs du Cap Diamant. 

Le jeune de Laval fit ses études chez 
les Jésuites de Laflèche et reçut la ton- 
sure en 1631. Fait chanoine d'Evreux 
trois aUfii plus tard, héritier en même 




V ! 



10 — 



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temps, par la mort de son frère aîné, du 
nom et des biens de sa famille, il renonça 
à ces avantages en faveur d'un plus 
jeune frère, pour suivre l'attrait qui le 
poussait vers Dieu seul. Ainsi se mani- 
festaient, dès ses plus tendres années, 
cet esprit de détachement, ce mépris des 
richesses qui lui inspirèrent par la suite 
tant d'actes sublimes, tant d'obscurs 
dévouements. 

Ayant terminé sa théologie à Paris, 
il reçut la consécration sacerdotale, le 
23 septembre 1647. Le jeune prêtre 
avait alors vingt-cinq ans. A cette 
époque existait à Paris une pieuse con- 
grégation fondée au Faubourg Saint- 
Marceau par le père Bagot, et qui plus 
tard donna naissance à la maison des 
Missions Etrangères. L'abbé de Mon- 
tigny, c'est ainsi qu'on le nommait 
alors, faisait partie de cette association 
érigée sous le vocable de la Ste- Vierge. 
Ces réunions se composaient des hom- 
mes les plus distingués du temps, par 






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- 11 









leur naissance, leurs talents et leurs 
vertus L'un d'eux, M. de Maizerets, 
suivit Mgr de Laval au Canada, où il 
le seconda merveilleusement en tout. 

Plus tard, on retrouve ce groupe 
d'élite chez M. de Bernières, de Louvi- 
gny, trésorier général à Caen, la con- 
grégation de Paris ayant été dissoute 
par les événements politiques qui agi- 
taient alors la capitale. L'Hermitage, 
comme on appelait la maison de M. de 
Bernières, devint une sorte de cénacle, 
où s'épanouirent, comme dans un jardin 
merveilleux, les fleurs de toutes les 
vertus. Là, Dieu, la science, la charité, 
se partageaient tous les instants. Qui 
dira les oraisons, les jeûnes, les macéra- 
tions les veilles, les travaux intellec- 
tuels du futur apôtre, pendant les qua- 
tre années de son séjour dans cette 
demeure bénie ? . 

Un attrait également puissant le 
poussait vers les œuvres de miséricorde 
corporelle. C'est ainsi qu'il surpassa 




12 — 



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tons ses émules au nombre desquels se 
trouvaient MM. de Mézy, Dudouyt et 
de Maizerets, dans le zèle qu'il déploya 
en faveur des malades de l'Hôtel-Dieu. 
Lui, le rejeton d'une famille illustre, se 
faisait, à l'instar de St François-Xavier, 
le serviteur de ces malheureux, aux- 
quels il rendait les services les plus 
abjects. " On l'a vu de plus, dit l'au- 
teur des Mémoires de la Yie de Mon- 
seigneur de Laval, faire plusieurs longs 
pèlerinages, à pied, sans argent, men- 
diant son pain, et cacher à dessein son 
nom, afin de ne rien perdre de la confu- 
sion, du mépris et des mauvais traite- 
ments ordinaires dans ces occasions et 
qui ne lui furent pas épargnés. Il s'en 
félicitait comme les apôtres, et remer- 
ciait Dieu d'avoir quelque chose à souf- 
frir pour son amour. " . 

Quelques unes des œuvres de l'abbé 
de Montigny revêtent, dès cette époque, 
un caractère de publicité : témoin la 
réformation des Hospitalières de Caen, 



— 13 — 

qui s'étaient départies de leur sévérité 
primitive ei dont il fut nommé direc- 
teur. Il entreprit, dans l'intérêt de ces 
religieuses, un voyage -^ la cour qui le 
fit apprécier de la reine Anne d'Autri- 
che, régente du royaume. 

Comme dès l'année 1651, on parlait 
d'envoyer un évêque dans la Nouvelle- 
France, il ne faut pas s'étonner si M. de 
Laval, une fois connu, réunit tous les 
suffrages. Son courage, son zèle tout 
apostolique, son culte pour la pauvreté 
évangélique, ne le mettaient-ils pas à 
la hauteur de la position à la fois pleine 
d'honneur et de difficultés qu'on lui 
offrait, et n'expliquaient-ils pas l'insis- 
tance qu'on mit à la lui faire accepter ? 

Cependant la perspective de cette 
dignité redoutable effrayait son humi- 
lité. Un autre, selon lui, était plus apte 
aux fonctions sublimes de l'épiscopat. 
Partir pour le Canada en qualité de 
simple missionnaire, voilà où se bornait 
son ambition. Dieu ayant cependant 





— 14 — 



M :; 



parlé clairement au cœur de M. de 
Laval, par la bouche de M. de Berniè- 
res, la reine ayant elle-même ex rimé 
le désir qu'elle avait de sa nomination, 
il finit par accepter la sublime dignité 
qu'on lui proposait. 

Préconisé au mois de mai 1658, l'abbé 
de Montigny reçut d'Alexandre VIL les 
bulles qui le faisaient évêque de Pétrée 
(Petra en Arabie) in partibus injidelium, 
et Vicaire Apostolique de toute la Nou- 
velle-France. 

Enfin le 8 décembre 1658, le nonce du 
Pape, assisté de l'illustre Abelli, évêque 
de E/hodez et de M. du Saussai, évêque 
de Toul, le sacrait évêque, dans l'église 
abbatiale des Bénédictins de Saint-Grer- 
main-des-Prés, à Paris. M. de Laval 
n'avait alors que trento cinq ans. 

Il serait trop long d'énumérer ici les 
obstacles et les contrariétés que le nou- 
veau titulaire eut à subir, avant son 
départ pour le Canada. Nous devons 
nous borner à dire que ces épreuves 



— 15 — 

venaient de TArchevêque de Rouen, 
lequel soutenu par le parlement de sa 
ville épiscopale, cherchait à priver le 
jeune évêque de sa juridiction, et allait 
même jusqu'à envoyer au Canada, M. 
de Caylus, en qualité de Grand- Vicaire 
Métropolitain. 

Mgr de Laval était au-dessus de ces 
difficultés. Son devoir ne lui montrait 
qu'une autorité : celle du Pape. Fort 
de ce suprême appui, il s'embarqua 
pour sa nouvelle patrie, le jour de 
Pâques, 1659. Accompagné de MM. 
Ango de Maizerets, de Torcapel, Pèlerin 
et de Bernières, neveu du trésorier, et 
du Père Jérôme Lallemant, jésuite, 
le prélat arriva, sain et sauf, le 16 mai 
1659, devant l'Ile Percée, à l'entrée du 
fleuve St Laurent. 




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CHAPITRE II 



I 



Premiers actes épiscopaux. — Confirmation à Percée. — 
Arrivée à Québec. — Bonté du Prélat à l'égard des 
sauvages. 



A peine Mgr de Laval fut-il débarqué 
qu'il se mit de suite à travailler à la 
vigne de son divin maître. 

Yoici comment s'expriment les Rela- 
tions des Jésuites à l'occasion de l'ar- 
rivée de Mgr de Laval. 

" Si les démons servent à convertir 
les sauvages et les sauvages à réduire 
les hérétiques, que ne devons-nous pas 
espérer du secours des anges tutélaires 
de ces contrées ? Notamment depuis 
que ces esprits y ont amené un Homme 
Angélique : je veux dire Mgr l'Evêque 
de Pétrée qui, en passant dans les limi- 
tes de noire Acadie, a donné le sacre- 



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-li- 
ment de confirmation à cent quarante 
personnes qui jamais peut-être n'au- 
raient reçu cette bénédiction. " Québec, 
16 octobre 1659. 

Mgr de Laval mit un mois entier à 
remonter le Saint-Laurent. 

" Il eut le loisir de contempler les 
deux rives de ce fleuve majestueux, 
dont la sublime grandeur lui faisait 
deviner l'immensité du pays qu'il 
devait évangéliser. Son œil d'apôtre se 
fixait ardemment et avec anxiété sur 
ces vastes forêts, abritant d'innombra- 
bles peuplades assises à l'ombre de la 
morl, et plongées dans les ténèbres de 
l'ignorance et de la barbarie." (1) 

Le 16 juin 1659, le vaisseau qui le 
portait jetait l'ancre devant le fier pro- 
montoire où, 50 ans auparavant, Cham- ^ 
plain avait jeté les assises de la première - 
ville épiscopale du Canada. 

Coraiaeni décrire la joie de la popu- 





(1) Paroles du Cardinal Taschereaii. 
2 




— 18 — 



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lation se rendant en foule au-devant de 
son nouveau pasteur ? 

Enfin Québec possédait un évêque ! 
Quel encouragement pour les mission- 
naires qui allaient trouver en Mgr de 
Laval, un père,^ un protecteur ! Quel 
gage de confiance pour les commu- 
nautés naissantes, alors aux prises à 
tant de difiicultés ! ! Quel suprême 
appui pour tout le peuple canadien ! ! ! 

C'est au son des cloches et au bruit 
de l'artillerie, que l'éminent prélat, 
environné de ses compagnons et du 
Vicomte d'Argenson, gouverneur de la 
Nouvelle-France, fit son entrée dans la 
ville. ^ 

Les Jésuites eurent l'honneur insigne 
de donner l'hospitalité au digne évêque, 
pendant les trois premières semaines de 
son séjour à Québec. L'Hôtel-Dieu, fon- 
dé par la Duchesse d'Aiguillon, mit 
ensuite à sa disposition un apparte- 
ment qu'il occupa pendant près de 
trois mois. 



'Il 



— 19 — 



Le pensionnat des Ursulines fondé 
par madame de la Peltrie, et auquel il 
fit faire une clôture séparée pour ne 
pas contrevenir aux règlements canoni- 
ques, devant sa troisième habitation. 

Il accepta ensuite, pçndant trois ans, 
la maison même de Madame de la 
Peltrie. Enfin il devint acquéreur d'une 
vieille demeure, qui fut plus tard l'em- 
placement du presbytère, et où vinrent 
le rejoindre, trois ans après, c'est-à-dire 
en 1662, MM. Dudouyt et de Bernières, 
autre neveu du trésorier général. Ce 
dernier devint plus tard premier curé 
de la ville et le premier doyen du 
Chapitre. « 

Les premiers actes du ministère de 
Mgr de Laval à Québec s'exercèrent en 
faveur de la nation sauvage, laquelle 
était l'objet de ses pensées et de sa plus 
tendre sollicitude. A un enfant huron, 
il conféra le premier des sacrements, et 
peu après, il administrait les dernière à 
un adulte de la même tribu. Appre- 




20 — 



1 ii! 






nant " la maladie de ce dernier, Mgr de 
' Laval voulut, dit la mère de Tlncar- 
' nation, lui consacrer ses premiers 
' soins et ses premiers travaux, don- 
' nant un bel exemple à nos sauvages 
' qui le virent avec admiration, pros- 
' terne près d'un pauvre moribond, qui 
' sentait déjà le cadavre, et auquel il 
* nettoyait de ses pauvres mains les 
' endroits du corps où l'on devait faire 
' les onctions sacrées. " 

Le 15 août 1659, Mgr de Laval con- 
firmait dans l'église paroissiale, cent 
soixante-dix-sept personnes de tout âge, 
depuis neuf ans, jusqu'à soixante-onze 
£çis. Cette cérémonie pontificale qui 
avait lieu à Québec pour la première 
fois, fut un sujet de joie et d'admiration 
pour les sauvages. Quelques uns d'en- 
tre eux avaient été appelés les premiers, 
par le bon prélat, à la réception de ce 
sacrement. Ainsi se manifestait la pré- 
dilection de l'illustre pontife pour les 
humbles et les petits. 



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— 21 — 

^ Peu de jours après, on le retrouve à 
l'Hôtel-Dieu, y confirmant cent sauva- 
ges, tant hurons qu'algonquins. 

Plus tard encore, chez les Ursulines, 
il conférait le même sacrement à quinze 
personnes, dont une professe de vingt 
ans et une jeune huronne de 11 ans, 
nommée Catherine. 




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CHAPITRE III 



Affaire delà juriadiction. — L'abbé de Queylus. — Québec 
no relève que de Rome. — Vente de boissons aux 
sauvages. — Rapports du Prélat avec lea Gouver- 
neurs. — Sa prudence et sa douceur. 



m 



Il importait avant tout que Tautorité 
du Vicaire Apostolique fut publique- 
ment reconnue. Malheureusement l'Ar- 
chevêque de Eouen s'était insensible- 
ment accoutumé à regarder le Canada 
comme une partie de son diocèse, et il 
s'était hâté d'envoyer l'abbé de Queylus 
pour prendre en son nom possession de 
l'église de la Nouvelle-France. 

Celui-ci, arrivé avant Mgr de Laval, 
fixa à Québec sa principale résidence et 
le 12 sept. 1657 il s'installait curé de la 
paroisse. 

Mgr de Laval nommé Vicaire Apos- 



— 23 — 



tolique par le Pape, appuyé sur l'opi- 
nion des Cardinaux qui disaient que le 
Canada n'était- pas un diocèse de France^ ne 
pouvait, lui, admettre l'autorité de M. 
de Queylus, pas plus que celle de l'Ar- 
chevêque de Rouen ; aussi, le 3 août 
1660, il publia un mandement pour 
ordonner à tous les ecclésiastiques du 
diocèse de ne reconnaître aucune autre 
jurisdiction que la sienne. M. de 
Queylus qui n'était soutenu par per- 
sonne abandonna la partie et repassa 
en France, le 22 octobre de la même 
année. 

Cependant la lutte n'était pas encore 
terminée ; car en 1661, l'abbé de 
Queylus finit par ob'enir à Home, à 
forces d'inirigues, une bulle d'érection 
de la cure de Montréal, pour soustraire 
cette ville à la jurisdiction du Vicaire 
Apostolique. 

Le 3 août de la même année, il était 
de retour à Québec, et se présentait 
devant l'Evêque de Pétrée qui, instruit 



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— 24 — 

de toutes ses menées et de l'erreur com- 
mise dans l'obtention de la Bulle, lui 
défendit de se rendre à Montréal. 
L'abbé ne voulut pas obéir et malgré 
une nouvelle défense, avec menace de 
censure, il partit dans la nuit du 5 ou 
6 août 1661. L'Evêque eut l'indulgence 
de lui déclarer qu'il encourrait la sus- 
pense eeuiement dans le cas où il ne 
retournerait pas de suite à Québec pour 
y recevoir ses ordres. M. de Queylus 
n'obéit pas encore et encourut la peine 
ecclésiastique. Il ne descendit de 
Montréal que pour s'embarquer le 22 
octobre sur le dernier bateau qui par- 
tait pour la France. 

La conduite du saint Evêque fut 
approuvée en tout par le souverain Pon- 
tife, qui défendit que l'on mit à exécu- 
tion une Bulle obtenue par la fraude. 

On ne peut s'empêcher de regretter 
l'obstination que fit paraître l'abbé 
de Queylus en toute cette affaire. Du 
reste, c'était un prêtre zélé qui s'était 



Hllfi 



25 



acquis l'estime universelle pendant son 
séjour au Canada. Il y revint plus 
tard et fut accueilli à bras ouverts par 
Mgr de Laval. 

A peine l'Evêque eût-il remporté 
cette victoire, qu'il fut obligé de livrer 
de nouveaux combats, pour empêcher 
les blancs de vendre des boissons 
enivrantes aux sauvages. 

Voici ce que pensait la Mère de l'In- 
carnation sur ce commerce immoral et 
sur les ravages qu'il causait dans la 
colonie : 

'* Il y a en ce pays des français si mi- 
" sérables et sans crainte de Dieu, qu'ils 
" perdent tous nos nouveaux chrétiens, 
" leur donnant des boissons très-Aiolen- 
" tes, comme de vin et d'eau-de-vie... 
" ces boissons perdent tous ces pauvres 
" gens, les hommes, les femmes, Its 
" garçons, et les filles mêmes... ils sont 
" pris tout aussitôt et deviennent com- 
" nij furieux. Ils courent nus avec des 
" épées et d'autres armes, et font fuir 




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tout le monde, soit de jour soit de 
nuit... il s'ensuit de là des meurtres, 
des violemenis, des brutalités mons- 
trueuses et inouies c'est une cho- 
se déplorable de voir les accidents 
funestes qui naissent de ce trafic. 
Monseigneur notre prélat a fait tout 
tout ce qui se peut imaginer pour en 
arrêter le cours, comme une chose qui 
ne tend à rien moins qu'à la destruc- 
tion de la foi et de la religion dans 
ces contrées. Il a employé toute sa 
douceur ordinaire pour détourner les 
Français de ce commerce si contraire 
à la gloire de Dieu et au salut des 
sauvages. Ils ont méprisé ses remon- 
trances, par<^equ'ils sont maintenus 
par une puissance séculière qui a la 
main forte... Mais enfin le zèle de la 
gloire de Dieu a emporté notre Prélat 
et l'a obligé d'excommunier ceux qui 
exerçaient ce trafic. Ce coup de foudre 
ne les a pas plus étonnés que le reste ; 
ils n'en ont tenu compte, disant que 



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" l'Eglise n'a point de pouvoir sur des 
" affaires de cette nature... 11 a pensé 
'' mourir de douleur à ce sujet, et on 
" le voit sécher sur pied." -a -a. 

Voilà en deux mots l'histoire de cette 
malheureuse vente de boissons aux sau- 
vages, qui causa tant de déboires à Mgr 
de Lî^vVal, et qui lui suscita tant de per- 
sécutions de la part de plusieurs des 
gouverneurs de la colonie. Nous ne pou- 
vons dans une exquisse entrer dans les 
détails de cette lutte qui dura bien des 
années. Mais nous dirons que nous ne 
sommes pas de ceux qui reprochent à 
Mgr de Laval d'avoir usé de sévérité 
dans des circonstances aussi graves. 
Quelques historiens, sans approuver le 
commerce immoral des boissons eni- 
vrantes, hésitent à exonérer le Prélat de 
tout blâme. Ils nous le représentent com- 
me un homme au caractère absolu et 
dominateur, qui voulait tout conduire 
dans la nouvelle France. " L'atmosphè- 
" re en France était à l'absolutisme, a 



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" dit l'un d'eux... Louis XIV le monar- 
" que peut-être le plus absolu des temps 
" modernes, était l'exemple sur lequel 
" se modelaient tous ceux qui, de loin 
comme de près, partageaient son pou- 
voir. Les hommes d'église les plus 
saints subissaient, même à leur insu, 
cette influence, comme les hommes du 
monde. Mgr de Laval n^en fut pas 
exempt, il ne faut pas craindre de le 
dire." Nous regrettons de différer d'o- 
pinion avec le savant auteur, mais nous 
croyons pouvoir dire que Mgr de Laval, 
bien loin de partager l'absolutisme de 
son souverain, était l'un des hommes 
les plus doux de la terre. Nous en avons 
pour témoin la vénérable mère de l'In- 
carnation qui était non seulement une 
sainte, mais une femme d'un jugement 
remarquable. L'écrivain cité serait le 
dernier à récuser son témoignage. Non, 
Mgr de Laval n'a pas pris pour modèle 
l'orgueilleux monarque qui gouvernait 
la France, mais le grand Saint Charles 



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: ■•■ j''::'f-\ y. 29— ^ , 

Borromée, qui lui aussi était un homme 
d'une grande douceur, mais qui n'en fut 
pas moins obligé de lutter avec vigueur 
contre plusieurs des gouverneurs de 
Milan. , 

Voici quelques paroles du chanoine 
Latour, qui nous donnent une idée de 
l'humilité et de la douceur du saint 
évêque de Québec : " Jamais évêque 
n'a plus aimé son clergé ni n'en a été 
plus tendrement aimé que M. de Laval. 
C'était un véritable père. 
Jamais personne ne s'est plus défié 
de lui-même ni n'a demandé avec 
plus d'humilité, ni suivi avec plus de 
docilité, les avis de ses inférieurs et 
de ses disciples. Son premier prin- 
cipe fut de suivre dans le gouverne- 
ment l'esprit de Jésus-Christ, marqué 
dans ses paroles de l'Evangile : les 
rota dominent les peuples^ mais pour vous 

que le plus grand se fasse le plus petit 

Il avait des assemblées fréquentes 
avec ses grands vicaires, les princi- 



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*' paux de son chapitre, les supérieurs 
" des communautés et les religieux 
" distingués par le mérite et la vertu ; 
" point d'affaire importante qu'il n'y 
"proposât." f r. v^ /^ -r ^ 

Mgr de Laval ne cessa de travailler 
à l'union de tous les membres du clergé 
séculier et régulier, et c'est pour cela 
qu'en 1665, il fit passer un acte d'associa- 
tion entre le séminaire de Québec, le sé- 
minaire de Montréal et les RR. Pères Jé- 
suites. C'est ainsi que sa douceur se mani- 
festait dans toutes œuvres. Il était re- 
connu comme un véritable pacificateur, 
et on eut souvent recours à lui pour 
terminer des différends. Quand il eut 
donné sa démission, on craignit pen- 
dant longtemps qu'il ne pût revenir ?.u 
Canada ; et le marquis de Denon ville 
gouverneur de la Nouvelle-France écri- 
vait au marquis de Signelay " que dans 
*' l'état présent des affaires publiques, 
" il était nécessaire pour le service da 
" roi, pour le bien de a colonie, et de 



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"l'Eglise naissante, que l'ancien évêque 
" revint pour ménager les esprits sur les- 
" quels il avait un grand ascendant par 
''son génie et par sa réputation de sainteté. " 
En voilà assez, nous croyons, pour 
établir que Mgr de Laval non seule- 
ment était un homme d'une énergie 
indomptable, mais encore un saint qui 
savait faire aimer la vertu. 

Sa conduite au sujet de la vente des 
boissons fut approuvée par la Sorbonne 
en 1662, et les mesures qu'il avait cru 
devoir prendre furent jugées '* très- 
sages et très-justes. " 




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CHAPITRE IV 



Triste état do la colonie. — Zèle de Mgr de Laval pour 
les missions. — Ses visites pastorales. 



A son arrivée à Québec, Mgr de 
Laval avait trouvé la colonie dans un 
état vraiment lamentable, sans secours 
suffisants de la mère-patrie, et exposée 
aux incursions continuelles des Iroquois, 
qui ne se proposaient rien moins que 
d'exterminer tous les Français. Le 
danger était si grand que dans la ville 
de Qaébec même, les Ursulines et les 
Sœurs de l'Hotel-Dieu étaient obligées 
de se retirer la nuit dans le vaste cou- 
vent des Jésuites, plus facile à dé- 
fendre que les monastères de ces bon- 
nes religieuses. C'est au milieu de fati- 
gues et d'alarmes sans nombre, dans 
un pays aâligé de plus par une cruelle 



— 33 — 

disette, que Mgr de Laval passa les 
trois premières années de son Episcopat. 
Mais son courage n'en fut pas affaibli. 
Nature fortement trempée, cœur intré- 
pide, il semblait grandir dans les 
épreuves et sa présence consolait les 
citoyens affligés et ranimait leur espé- 
rance. * 

Il n'attendit pas que tout danger 
eut disparu pour s'occuper de l'évangé- 
lisation de son immense Vicariat apos- 
tolique. Dès 1660 des missionnaires fu- 
rent envoyés dans les parties les plus 
lointaines, et des mesures furent prises 
pour faire porter les lumières de la foi 
jusqu'aux environs de la Baie d'Hudson. 
Q^râce à son zèle apostolique, les Hurons, 
les Algonquins, les Abénaquis, voir mê- 
me les farouches Sioux furent évangé- 
lisés et firent plus tard la joie et la con- 
solation le leur premier pasteur. 

Sa soif dévorante du salut des âmes 
poussait même l'homme de Dieu vers 
les régions reculées du Lac Supérieur. 

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— 34 — 

S'il ne suivit pas dès lors l'impulsion 
de sa charité évangélique, c'est, disent 
les relations de 1660, qu'il était incapa- 
de se diviser. 

" Du moins, ajoutent-elles, son cœur 
*' y a volé pendant qu'il s'arrête ici, au 
centre de toutes ses missions, pour pou- 
voir donner ses soins et partager son 
zèle également." 

Les contemporains de l'illustre évo- 
que ont pu constater l'exactitude de ce 
témoignage. En effet, quels trésors de 
dévouement ne dépensa-t-il pas dans 
les travaux d'un ministère qui s'exerçait 
tantôt à la ville, tantôt à la campagne ? 
Que de fatigues, de misères de tout 
genre accompagnaient l'apôtre dans ses 
courses diverses, à une époque où 
les voyages, soit par mer ou par terre, 
né talent adoucis par aucune des amé- 
liorations que le progrès moderne a in- 
troduites dans notre mode de locomo- 
tion ! 

L'été on nous le représente dans un 



— 35 — 



léger canot, ramant lui-même pour hâter 
la marche du frêle esquif. L'hiver on le 
voit, avec sa chapelle sur le dos, parcou- 
rant, en raquette, la plaine glacée. Un 
pauvre morceau de pain : voilà souvent 
tout ce qui apaisait la faim du mis- 
sionnaire. De là pour l'héroïque prélat, 
des infirmités qui l'accablèrent pendant 
toute sa vie, et contribuèrent même par 
la suite à le faire renoncer à ses fonc- 
tions épiscopales. ' -r 

Le registre des confirmations nous 
donne des détails très -intéressants sur 
les visites pastorales de Mgr de Laval, 
On aimera sans doute à savoir quelles 
sont les paroisses qui ont eu l'insigne 
honneur de posséder pendant quelques 
jours le premier évêque de la nouvelle 
France. Ce registre des confirmations 
est incomplet, mais il donne plusieurs 
itinéraires qui n'ont jamais été publiés. 

En 1660, Mgr de Laval confirma au 
Chateau-Eicher, à Québec, à Trois- 
Eivières et à Montréal. Dans cette der- 






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— 36 — 

nière ville, on voit parmi les confir- 
mants, Paul de Chomedy que l'on croit 
être le fils du fondateur de Yille-Marie. 

L'année suivante, visite pastorale à 
Sillery. Au 1er mai 1662, Mgr de 
Laval confirmait au monastère des 
Ursulines. De retour d'Europe où, 
comme on le verra, il passa deux an- 
nées, il reprit ses courses évangéliques 
et, le 23 mars 1664, confirma à la cathé- 
drale, puis au Cap des Trois-E-ivières, à 
Ïrois-Eivières, et à Montréal. En 1665, 
il fit descendre le Saint-Esprit sur 152 
confirmants de la paroisse de Québec. 
En 1666, ses visites commencent au 21 
février ; en voici l'itinéraire : 

Chateau-Richer, Ange-Grardien, Cha- 
teau-Eicher, Québec ; dans la liste des 
confirmants, on tro a fe le nom de Mes- 
sire Daniel de Eemy de Courcelles qui 
reçut l'onction sainte le 1 mai de la 
même année. 

Le 25 mai, l'infatigable évêque reprend 
sa visite et séjourne dans les paroisses 



-37 — 



du Cap de la Magdeleine, Montréal, 
Fort Sorel, et Trois-Rivières. 

Les relations des Jésuites parlent de 
la manière suivante de ses courses 
pénibles en 1668 : " Mgr l'Evèque de 
Pétrée, après avoir fait partout sa visite 
en canot, c'est-à-dire à la merci d'une 
frêle écorce, et après avoir parcouru 
toutes nos habitations depuis Québec 
jusqu'au-dessus de Montréal, donnant 
même jusqu'au Fort de Ste-Anne, qui 
est le plus éloigné de tous les forts, à 
l'entrée du Lac Champlain, voulut faire 
part de ses bénédictions à notre église 
des Sauvages de Tadoussac, s'y étant 
rendu vers la fin de juin, après avoir 
bien souffert de la part des calmes et 
des tempêtes de la mer. 

*' Les heureux succès que Dieu a don- 
nés aux armes du roi dans la Nouvelle- 
France, faisant jouir nos sauvages de 
Tadoussac, aussi bien que tous les 
autres qui nous sont alliés, des agréables 
fruits de paix ; cette église que la 



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crainte de l'Iroquois avait dispersée çà 
et là, s'est heurousement réunie dans 
son poste, qui est l'embouchure de la 
Eivière du Saguenay, appelée Ta- 
doussac. Mgr l'Evèque le sachant, et 
i-yant été informé dès le printemps de 
la satisfaction que les sauvages de cette 
église avaient donnée à leur pasteur, le 
P. Henri Nouvel, qui avait hiverné 
avec eux, dans les bois, fit savoir qu'il 
les visiterait. ,. .,= 

*' Cette nouvelle les consola beaucoup, 
mais son arrivée à Tadoussac, qui fut le 
24 juin 1668, les combla de joie qu'ils 
firent paraître en sa réception, car 
s'étant trouvés au nombre de quatre 
cents âmes à son débarquement, ils 
témoignèrent par la décharge de leurs 
fusils et par leurs acclamations, le con- 
tentement qu'ils avaient de voir une 
personne qui leur était si chère et dont 
la plupart avait souvent expérimenté 
les bontés. 

" Ils l'accompagnèrent ensuite en 



39 



leur chapelle d'écorce : le feu ayant 
réduit en cendres celle qu'on leur avait 
bâtie ; et là il leur lit dire le motif de 
son arrirée en ce lieu, à savoir pour se 
conjouir avec eux de l'affection qu'ils 
témoignent avoir envers leur christia- 
nisme, pour administrer le sacrement 
de confirmation à ceux qui ne l'ont pas 
reçu et pour les assurer des bons senti- 
ments que le roi a pour eux, dont ils 
ont des marques bien évidentes, par la 
paix à laquelle il a forcé les Iroquois. 
Cela fait, la charité de leur digne 
évoque les ravit, lorsau'au sortir de la 
chapelle, ils le vi^'r^xt entrer dans leurs 
cabanes les unes après les autres, pour 
y visiter les malades et leurs capitaines, 
consolant ceux-là par sa présence dont 
ils étaient confus et par ses charités 
qu'il étendait sur eux, sur leurs pau- 
vres veuves et sur leurs orphelins, et 
encourageant ceux-ci à appuyer ceux- 
là de la foi de leur autorité et à se 
maintenir toujours dans les devoirs de 



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véritables chrétiens ; ce qu'il renouvela 
en un célèbre festin, leur recommandant 
surtout de n'oublier jamais les obliga- 
tions insignes qu'ils ont au roi, qu'ils 
doivent considérer comme leur libéra- 
teur et comme celui à qui seul après 
Dieu, ils ont l'obligation de leur repos 
et de leur vie. . , -- 

" Les quatre jours suivants furent em- 
ployés à disposer à la confirmation ceux 
qui ne l'avaient pas encore reçue. Ce 
sacrement fut administré à diverses 
reprises à cent quarante-neuf personnes. 
La dévotion avec laquelle ils l'ont reçu 
et qu'ils ont fait paraître partout 
ailleurs, a ravi Monseigneur, et lui a 
fait avouer que les peines qu'il a prises 
pour ce voyage, lui donnent une satis- 
faction toute particulière, de voir de ses 
propres yeux le Christianisme en 
vigueur et la piété régner parmi ces 
pauvres sauvages autant et plus que 
parmi beaucoup de nations policées. 
Dieu réservait à cette mission la con- 



— 41 






version de quelques sauvages infidèles 
qui ont vécu longtemps parmi les chré* 
tiens avec une aversion étonnante du 
Christianisme et qui se sont trouvés si 
fortement touchés par la venue et les 
instructions de Mgr de Pétrée, qu'ils 
ont changé tout d'un coup de résolution 
et n'aspirent plus depuis ce temps là 
qu'au baptême. C'est un effet des béné- 
dictions qu'accompagne toujours le 
caractère, et qui va donner une nou- 
velle force à nos chrétiens, dans l'espé- 
rance qu'ils ont de jouir encore, les 
aimées suivantes, du même bonheur. '* 
Les immenses consolations attachées 
à cette mission, ne furent pas les seules 
qr'fprouva le digne apôtre pendant 
1 ■: Je 1668. Plusieurs ecclésiastiques 
\iiii ^ it de France au Canada pour se 
mettre sous sa direction pastorale et 
travailler avec lui dans son église nais- 
sante. Il manifesta la joie que lui pro- 
cura leur venue dans une lettre adressée 
o M. Poitevin curé de St-Josse à Paris. 




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*' Le secours des prêtres que vous 
nous avez envoyés est venu fort à pro- 
pos pour nous donner le moyen d'assis- 
ter divers lieux de cette colonie qui en 
ont un notable besoin et sans lesquels 
ils auraient été destitués de toute assis- 
tance. La venue de Mr l'abbé de Quey- 
ius, avec plusieurs bons ouvriers tirés 
du sémiï'aire de St Sulpice, ne nous a 
pas moins apporté de consolation ; nous 
les avons tous embrassés dans les en- 
trailles de Jésus-Christ. Ce qui nous 
donne une joie plus sensible est de voir 
notre clergé dans la disposition de tra- 
vailler tout d'un cœur et d'un même 
esprit à procurer la gloire de Dieu et le 
salut des âmes, tant des français que 
des sauvages... Les Pères Jésuites s'y 
emploient toujours avec le même zèle 
qu'ils y ont travaillé pendant quarante 
ans, j'en ai reçu des témoignages sensi- 
bles après le retour de nos visites." 

En 1669, Mgr de Laval confirma dans 
les paroisses de Tlle d'Orléans et sur la 



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43 



côte de Beaupré, puis il continua à Dom- 
Bourg (Pointe-aux-Tfembles), Ile de 
Montréal, Sault St-Louis, Montréal, 
Fort St-Louis, Champlain, Batiscan, Qué- 
bec. En 1675, le saint Prélat se trouvait 
à Montréal pour les fêtes de la Pentecôte. 
Le 25 mai, il se rendit à la Prairie de 
la Magdeleine où il autorisa la construc- 
tion d'une chapelle auprès du fort St- 
Lambert ; c'est là que vécut et mourut 
l'illustre Vierge Iroquoise Catherine 
TikahkSitha. , . ,^ . ,, ^ 

Les paroisses suivantes eurent le bon- 
heur de voir et d'entendre leur premier 
pasteur dans le courant de 1676 : Bou- 
cherville. Montréal, La Prairie de la 
Magdeleine, Sorel, St-Ours, Contre- 
Cœur, Rivière-du-Loup, St-François, 
Trois-Rivières, Cap de la Magdeleine, 
Grrondines, Dom-Bourg, et Québec. En 
1681, on trouve pour la première fois 
d'autres noms de paroisses visitées,telles 
que Yerchères, Boucherville, Kepenti- 
gny, La Chenays, La Yalterie, Cressé, 




""^v; —44— ■ 

(Nicolet), Rivière Puante, Gentilly, Ste- 
Anne, Deschambault, Ile Jésus, Cap 
St-Michel, Isle-aux-Oies, Cap St-Ignace, 
llivière-du-Sud, La Durantaye, Beau- 
mont, Pointe de l'Eglise Saint-Joseph. 

D'après le registre cité, Mgr de Laval 
aurait donné la confirmation à près de 
5000 personnes. ,, 

Le nombre de prêtres ordonnés par 
lui, s'élève à quarante et un. Le pre- 
mier canadien qui reçut l'onction sacer- 
dotale fut M. Germain Morin. Il fut or- 
donné le 29 sept. 1665, devint secrétaire 
de l'évêque et, après avoir été curé dans 
plusieurs paroisses, entre autres à la 
Bonne Sainte- Anne, il mourût à l'Hotel- 
Dieu le 20 août 1102. - : 



CHAPITRE Y. 



Voyage de Mgr de Laval en France. — Erection de l'E- 
vêché de Québec, du Conseil Souverain. — Retour au 
Canada. — Fondation du Séminaire. 



La grande sollicitude de Mgr de La- 
val pour son Eglise, les besoins extrêmes 
de cette Egiise naissante, la nécessité 
de l'érection à Québec d'un évêché, d'un 
chapitre, d'un séminaire,en même temps 
que l'établissement d'un Conseil souve- 
rain au civil, l'engagèrent, en 1662, à 
entreprendre un voyage d'outre-mer. 

Le digne prélat reçut à la cour de 
Louis-le-G-rand, les honneurs dûs à sa 
naissance, à ses éminentes vertus, à ses 
travaux et au prestige alors attaché à 
une mission au-delà des mers. Le roi 
de France qui, sous les humbles habits 
du misssonnaire, avait su reconnaître 



— 46 



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l'illustre pontife, l'honora d'une atten- 
tion toute particulière. Approuvant les 
vues élevées de Mgr de Laval, il leur 
donna sa royale sanction. 

C'est ainsi que le monarque permit 
l'établissement à Québec d'un évêché 
dont il le nomma le premier évêque, et 
dont il fit solliciter les bulles d'érection 
par son ambassadeur à Rome. La fon- 
dation d'un séminaire reçut également 
son approbation, ainsi qae toutes les me- 
sures qui lui furent soumises par l'évè- 
que du Canada. 

Quelle ne dût pas être la joie du zélé 
prélat en entrevoyant la réalisation pro- 
chaine de ses plus chers projets ! Aussi, 
plus touché des heureux fruits de son 
voyage à Paris, que des honneurs dont 
on l'y avait comblé et des brillantes pro- 
messes d'avenir qu'on lui avait faites s'il 
eût voulu rester en France, Mgr de Laval 
fit voile pour le Canada, pendant les 
fêtes de la Pentecôte, de l'année 1663. Il 
pétait accompagné de troupes envoyées 



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47 



à Québec et de cent familles françaises- 
destinées à peupler le pays. Ces familles 
furent accordées à la Nouvelle-France, 
par le roi, à la demande de Mgr de 
Laval. Il ne faut pas oublier le Cheva- 
lier de Mézy, qui venait à Québec pour 
y remplacer le baron d'Avaugour, 
comme gouverneur de la Nouvelle- 
France. M. de Mézy était bien connu 
du prélat qui avait partagé jadis avec 
lui la touchante hospitalité de M. de 
Bernières, à l'Hermitage de Caen. Aussi 
l'évêque l'avait-il hautement recom- 
mandé à Louis XIV, comme parfaite- 
ment qualifié par ses vertus et ses 
talents, pour gouverner avec sagesse la 
colonie naissante du Canada. 

Une épidémie désastreuse qui sévit 
parmi l'équipage, pendant la traversée,.; 
rendit le retour de Mgr de Laval exces- 
sivement pénible. Atteint lui-même f 
du scorbut, l'évêque de Québec se mul- 
tiplia auprès des malades et des mou- 
rants. Non content de prodiguer à 



— 48 — 



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tous le secours du ministère le plus 
paternel, il s'imposa même des priva- 
tions personnelles, en abandonnant à 
«es compagnons toutes les douceurs 
qu'on avait embarquées, pour tempérer 
les excessives fatigues de ce long 
voyage. 

Une fois réuni à sa chère Eglise, Mgr 
de Laval hâta l'accomplissement des 
-diflérentes mesures qu'il avait proposées 
au roi. Malheureusement le despotisme 
religieux de Louis XIV et le gallica- 
nisme de son Parlement entravèrent les 
desseins du pieux évêque. & v^^ 

Ainsi ce ne fut que le 1er octobre 
1674, que le siège épiscopal de Québec 
fut canoniquement érigé. 1^ 

Le but de Mgr de Laval en deman- 
dant l'érection de cet évèché était de 
soustraire le pouvoir religieux du 
Canada à la dangereuse pression de la 
puissance civile, comme en le constate 
par les lignes suivantes d'une de ses 
lettres à la Propagande. 



— 49-- 



" J'ai appris par une longue expé- 
rience combien la condition du Vicaire 
Apostolique est peu assurée contre ceux 
qui sont chargés des affaires politiques. 
Je veux dire les officiers de la cour, 
émules perpétuels et contempteurs de 
la puissance ecclésiastique, qui n'ont de 
plus ordinaire à objecter que l'autorité 
du Vicaire Apostolique est douteuse et 
doit être restreinte dans de certaines 
limites." '^■^^*'^'- :;rv. i. .^.^ai^^.^ -.Vi.vif^, 

C'est grâce aux instances et aux per- ' 
sévérants efforts de notre premier pas- > 
teur que le Siège de Québec devint ; 
aussi indépendant qu'il pouvait l'être 
de la Cour de France, et que sa dépen- 
dance immédiate de Rome fut main- l 
tenue. tdx:. 

Mgr de Laval avait le plus grand 
respect pour le Souverain Pontife et 
pour l'Eglise Komaine. Il écrivait très- . 
souvent au Saint-Siège, pour consulter 
ou pour envoyer des rapports détaillés 



— 50 — 

sur l'état de son église du Canada Ce 
fut surtout en refusant plus tard d'assis- 
ter au conseil supérieur pour l'enregis- 
trement des quatre articles qu'il fit voir 
combien il était éloigné des idées galli- 
canes. " C'est un honneur, a dit M. le 
G-rand Yicaire Legaré, d'avoir su se 
dérober quand il le fallait, à l'immense 
ascendant que le génie de Bossuet exer- 
çait sur le clergé de son siècle. La 
cause de la vérité triompha sur l'estime 
que l'on portait à cette grande lumière, 
obscurcie un instant et comme couverte 
d'un nuage. " ^ ^ .~ 

Le pays est encore redevable à Mgr 
de Laval de la création d'un conseil 
souverain. C'était là, comme on l'a vu 
plus haut, l'un des buts de son voyage 
en France et la preuve de sa grande 
sollicitude pour tout ce qui touchait 
aux intérêts de la colonie. 

Mais l'œuvre fondamentale de Mgr 
de Laval, celle qui, suffirait à immorta- 
liser son épiscopat et qui redit encore 






VV ' 



— 51 — 



\ 



son nom à toute l'Amérique du Nord, 
fut sans contredit le séminaire de Qué- 
bec. Latour dit que ce fut " le chef-d'œu- 
vre et l'ouvrage favori de ce saint Prélat." 
En l'établissant par son mandement 
du 26 mars 1663, Mgr de Laval s'ap- 
puie sur le concile de Trente et sur 
l'exemple de saint Charles Borromée. 
Il veut que son séminaire " serve de 
" clergé à cette nouvelle église ; on 
'* y élèvera et formera les jeune j clercs 
" qui paraîtront propres au service de 
" Dieu... nous désirons que ce soit une 
'' continuelle école de vertu et un lieu 
" de réserve, d'où nous puissions tirer 
" des sujets pieux et capables pour les 
" envoyer à toutes rencontres, et au 
" besoin dans les paroisses, et tous 
" autres lieux du dit pays, afin d'y 
" faire les fonctions curiales.... et les 
" retirer des mêmes paroisses et fonc- 

" tions, quand on le jugera à propos 

Gomme on le voit, tous les curés étaient 
amovibles, et d'après le mandement, ils 







% 




52 



appartenaient au séminaire, qui rece- 
vant toutes les dîmes, se chargeaient 
de leur subsistance et était obligé de 
les assister en santé et en maladie. 

L'intention de Mgr de Laval était de 
faire de tout son clergé une famille dont 
il fût le père. Aussi l'appelait-il " la 
sainte Famille des missions étrangères." 
■ Le 30 décembre 1663, le séminaire 
devint propriétaire du terrain qui envi- 
ronnait la cathédrale, et trois ans plus 
tard Mgr de Laval acheta de Gruillemet- 
te Hébert, veuve de Gruillaume Couil- 
lard, un emplacement de 16 arpents si- 
tué dans un des plus beaux endroits de 
la ville. C'est là qu'il fit construire 
son séminaire qui fut d'abord une gran- 
de maison en bois ; sur la porte on lisait 
*' S. M. E." — séminaire des missions 
étrangères. Le séminaire de Québec était 
agrégé à celui des missions étrangères 
de Paris ; cette union fut faite en 1665, 
renouvelée en 1675, et confirmée par 
le roi en 1676. 



--• 53 - 



Jusqu'en 1668, on se borna à former 
aux fonctions ecclésiastiques les jeunes 
gens qui avaient étudié chez les Jésui- 
tes ou qui arrivaient de France suffi- 
samment instruits. Mais bientôt il fal- 
lut songer à fonder un petit séminaire, 
et Mgr de Laval, toujours confiant en la 
divine Providence, n'hésita pas à en fai- 
re l'ouverture le 9 octobre de cette an- 
née. On accommoda une vieille maison 
achetée de madame Oouillard, et on y 
logea les élèves dont le séminaire pay- 
ait la pension chez les Jésuites. Ce- 
pendant, vu le petit nombre de profes- 
seurs disponibles, les enfants continuè- 
rent de fréquenter les classes des Révé- 
rends Pères. 

Huit jeunes hurons et huit jeunes 
canadiens furent les premiers élèves du 
petit séminaire de Québec. Yoici ce 
que dit Mgr de Laval dans une lettre 
qu'il écrivait, le 3 novembre 1668, à M. 
Poitevin, curé de St-Josse, à Paris : 
" Comme le roi m'a témoigné qu'il sou- 



— 54 









haitait que l'on tâchât d'élever à la 
manière de vie des français, les petits 
enfants des sauvages, pour les policer 
peu à peu, j'ai formé exprès un sémi- 
naire où j'en ai pris un nombre à ce 
dessein ; et pour y mieux réussir, j'ai 
été obligé d'y joindre de petits français, 
desquels les sauvages apprendront plus 
aisément et les mœurs et la langue, en 
vivant avec eux. " 

Cependant l'évêque ajoute plus loin 
que le succès de cette entreprise lui 
parait fort douteux, et l'avenir justifia 
ses prévisions. En effet, les efforts 
réunis des instituteurs vinrent se briser 
contre l'indolente nature des élèves, qui 
avaient plus d'aptitudes pour la chasse 
et la pêche que pour les éléments de la 
grammaire, et il fallut bientôt renoncer 
à l'idée d'avoir des élèves parmi les 
sauvages. Ainsi se manifestait ce juge- 
ment exquis, cet esprit de pénétration 
qui caractérisaient à un si haut degré 
le premier évêque du Canada. 



Dans le même temps, Mgr de Laval 
fondait un autre collège sur la Côte de 
Beaupré, à St-Joachim Cette institu- 
tion destinée aux enfants des paysans, 
avait pour but d'enseigner les éléments 
de la grammaire et du calcul, et de for- 
mer les élèves à différents métiers, mais 
surtout à l'agriculture. Les besoins de 
la colonie, à cette époque, disent assez 
l'utilité de la nouvelle maison fondée 
par Mgr de Laval. 'r:m^ i .^i ^ ^ ^ 

Avec l'instruction, on y puisait aussi 
le courage et la valeur qui font les 
héros, témoins les prodiges de bravoure 
des élèves de St-Joachim, pendant l'atta- 
que des Anglais en 1690. . i^.* 

Après la mort de son fondateur, cette 
maison, privée de tout secours, ne fit 
que languir jusqu'en 1715, et alors elle 
fut complètement abandonnée. L'évêque 
songea aussi à faire deux autres établis- 
sements au Chateau-Richer, l'un pour 
les sœurs de la congrégation, l'autre 
pour un collège qui, à cause de la 



— 56 



iiii 




proximité de la ville, aurait remplacé 
celui de St-Joachim. Le second incendie 
du séminaire de Québec en 1705 et le 
décès du prélat en 1708 empêchèrent de 
songer à réaliser ces projets ; les fonda- 
tions de ces édifices sont encore visibles 
près de l'église du Chateau-Eicher. 

Mgr de Laval avait donné pour ainsi 
dire toute son âme à l'œuvre de son 
séminaire, il lui donna aussi sa fortune 
et lui légua la seigneurie de Beaupré, 
nie Jésus, la seigneurie de la Petite 
Nation, et tous ses meubles, livres etc, 
et arrérages de rentes qui se trouve- 
raient en sa possession au moment de 
sa mort. '':mi''f^'%i:^ 

En 1678, la grande maison en bois 
bâtie en 1666 fit place à un nouvel 
édifice en pierre, l'un des plus beaux du 
pays, et capable de loger tous les élèves 
du grand et du petit séminaire. 
i L'Evêque demeurait aussi avec tous 
ses prêtres dans ce séminaire qu'il avait 
fondé. " Rien, dit l'histoire manuscrite 



— ôi 



du séminaire de Québec, ne représente 
mieux la primitive Eglise que la vie de 
ce clergé. Ils n'étaient tous qu'un 
oœur et qu'une âme sous la conduite 
de Mgr de Laval. Ils ne faisaient 
qu'une seule famille dont il était le père. 
Biens de patrimoine, bénéfices simples, 
pensions, présents et honoraires, ils 
mirent tout en commun. Monseigneur 
de Laval ne faisait rien de considérable 
que de concert avec tout son clergé ; 
ses biens étaient aussi en commun. Il 
n'y avait ni riches, ni pauvres, ils 

étaient tous frères. ^-, >,.,.. -^ .*? t. «^^ 
Fondée par un saint, habitée par des 
ecclésiastiques qui rappelaient les 
vertus des premiers chrétiens, une telle 
maison ne pouvait manquer d'attirer 
sur elle les plus précieuses bénédictions 
du ciel. Aussi serait-il difficile de dire 
tout le bien qu'a fait et fait encore le 
séminaire de Québec dans le Canada et 
l'on peut dire dans toute l'Amérique 
Septentrionale L'arbre planté par Laval 



58 







^ grandi, arrosé par bien des larmes, 
ses rejetons sont vigoureux, et il peut 
aujourd'hui convier tous les enfants du 
pays à s'asseoir à l'ombre de ses bran- 
ches et à se nourrir de ses fruits. 

Montréal avait aussi son séminaire 
commencé par M. l'abbé de Qaeylus et 
M. l'abbé Drouart, tous deux prêtres de 
Saint-Sulpice. L'histoire de l'Hôtel- 
Dieu de Québec dit que '* cette nouvelle 
maison a été soutenue depuis par les 
sujets que le séminaire de Paris lui en- 
voie tous les ans, qui édifient le peuple 
par leurs vertus, qui l'aident et le con- 
solent par leurs instructions et qui le 
soulagent par les abondantes aumônes 
qu'ils répandent dans toute l'étendue 
de cette île. " Comme on le voit, les 
«ulpiciens d'alors étaient bien ce qu'ils 
sont aujourd'hui ; ils ont fait pour 
Montréal ce que les prêtres du sémi- 
naire des Missions Etrangères ont fait 
pour Québec. 












CHAPITRE YI 



M. de Mézy. — M. de Tracy. — Conversion des protes- 
tants. — Cérémonies à la Cathédrale. — Ordination. — 
Translation de reliques. — Les Hospitalières de 
Montréal. — La Sœur Bourgeois. — La Mère de Saint- 
Augustin. — La Mère de l'Incarnation. — Les Jésui- 
tes. — Les Eécollets. , 



M. de Mézy, avons-nous dit dans le 
cours de cette esquisse, avait été appelé 
au gouvernement du Canada par Mgr 
de Laval, avec lequel il avait été fort 
lié autrefois, et qui appréciait vivement 
ses qualités et ses vertus. Malheureu- 
sement certaines questions d'amour- 
propre et d'intérêt, l'intervention de 
quelques esprits mécontents, et intéres- 
sés à lui rendre suspects l'évêque et le 
clergé, changèrent entièrement les bon- 
nes dispositions du nouveau gouver- 
neur. Non content de s'opposer à toutes 



'ni 



60 — 






N 




^ê 



les vues de son supérieur ecclésiastique, 
il lui refusa encore les devoirs de la 
plus stricte bienséance. Dépassant 
toutes les limites, son irritation le 
poussa même à des excès tellement 
regrettables envers Mgr de Laval, que 
la population entière protesta à la cour 
contre M. de Mé^y. Aussi, dès l'année 
1664, l'odieuse conduite du gouverneur 
obligeait-elle le roi à le révoquer de ses 
fonctions. 

Déjà le coupable était jugé par Dieu. 
Avant sa mort, qui arriva en 1665, il re- 
connut ses torts et sollicita le pardon de 
Mgr de Laval. De plus, il fît afficher par 
toute la ville, un acte où rétractant 
toutes ses paroles et tous ses écrits 
contre le chef de l'église du Canada, et 
confessant ses fautes, il regrettait le 
scandale qu'elles avaient donné. Son 
testament contenait les mêmes solen- 
nelles réparations. C'est dans ces sen- 
timents que le gouverneur expira, 
pressé dans les bras de l'évêque qui 



— 61 



l'avait confessé et réconcilié avec Dieu. 

M. de Mézy fut remplacé par M. de 
Tracy, qui arriva à Québec le 30 juillet 
1665, en qualité de Vice-Roi. Il était 
accompagné du régiment de Carignan, 
troupe d'élite qui se fixa au pays- et 
d'où plusieurs de nos bonnes familles 
canadiennes tirent leur origine. 

Il fit oublier à Mgr de Laval les per- 
sécutions de son prédécesseur. D'une 
piété égale à sa bravoure, il protégea la 
religion et prêta l'appui de son autorité 
à l'évêque, comme à ses ministres. 

Pendant son séjour un grand nombre 
d'abjurations eurent lieu dans la cathé- 
drale. Spectacle touchant qui dut faire 
verser d'abondantes larmes à i'évêque 
et à toute l'assistance. Yoici l'acte 
d'une de ces abjurations, tel que nous 
le trouvons dans un précieux registre : 

" L'an de grâce seize cent soixante et 
cinq, le huitième jour d'octobre, Isaac 
Berthier, capitaine au régiment de 
l'Allier, de la paroisse de Bergerac en 



— 62 



ll!i|| 






m- 



.'iWilffllH: 



!ii 



Périgord, diocèse de Périgueux, a fait 
abjuration solennelle de l'hérésie de 
Calvin, dans l'église paroissiale de 
Notre-Dame de Québec, entre les mains 
de Messire François de Laval, évêque 
de Pétrée, Vicaire Apostolique, en la 
Nouvelle-France, et nommé par le roi, 
premier évêque du dit Pays. En pré- 
sence de Mgr de Tracy, gnal des armes 
du Eoi en toute l'Amérique du Nord, 
de Mons. de Courcelles, gouverneur 
pour le Roi en ce pays, de Mons. Talon, 
Intendant pour Sa Majesté au dit pays. 
François, évêque de Pétrée." 

On se servait de la formule suivante 
pour chaque abjuration : -^ >f 

" Au nom du Père, du Fils et du St- 
Esprit. 

" Je N. N. ayant reconnu par la grâce 
de Dieu, la vérité de la foi Catholique, 
Apostolique et Romaine et étant due- 
ment instruit de ce qu'elle contient et 
enseigne, je proteste publiquement, en 
présence de Dieu, de la Très Sainte 



— 63 — 



a fait 
ie de 
e de 
cnaius 
v^êque 
en la 
le roi, 
n pré- 
armes 
Nord, 
erneur 
Talon, 



Vierge, de tous les saints, de vous, mon 
Père, et de tous ceux qui sont icy pré- 
sents et que ie prends à témoins que ie 
renonce à toute hérésie, et particulière- 
ment à celle de la religion prétendue 
reformée dans laquelle iay vécu iusques 
a maintenant et que ie consens libre- 
ment et adhère volontairement à tout 
ce que la Sainte Eglise Catholique, 
Apostolique et Romaine croit et ensei- 
gne. J'en fays profession de cœur et 
de bouche et promets de la garder et 
suivre sincèrement et inviolablement 
iusques à la mort, croyant fermement 
que hors d'icelle, il n'y a point de salut. 
Ainsi ie l'assure et le iure sur les saints 

Evangiles." :;, :.:.:^-- v. ,■-.;•-:■ irtï.:^: ./';..,. : 

Une autre solennité non moins impo- 
sante et qui pour la population cana- 
dienne avait tout le prestige du nou- 
veau, fut l'ordination du premier prêtre 
canadien. M. Grermain Morin, que nous 
avons nommé plus haut reçut l'onction, 
sacerdotale le 19 septembre 1665. 



— 64 — 



r. '/ 



I H 
I 






Les cérémonies à la cathédrale étaient 
déjà, à cette époque, très-imposantes. 
Mgr de St Valier en fut émerveillé en 
1685. A part les chanoines, on voyait 
au chœur soixante enfants, qui portaient 
en hiver une soutane et un camail rou- 
ges, avec un surplis ordinaire ; l'été le 
camail était remplacé par un bonnet 
carré. ' • .r.* 

Mgr de Laval qui désirait suivre en 
tout la direction de Rome avait dès son 
arrivée, prescrit l'usage du rituel 
Romain dans tout son diocèse. >> = 

En 1666, on fit la translation solen- 
nelle des reliques des saints martyrs 
Flavien et Félicité, don du pape à Mgr 
de Laval, en 1662, et qui aujourd'hui 
encore sont enchâssées dans le maître- 
autel de la basilique. v^^/y 

Dans une lettre à son fils, la Mère de 
l'Incarnation décrit ainsi cette fête 
magnifique : ^'''^IL^OMMàMik- 

.,ït II ne s'était pas encore vu dans ces 
contrées, une si belle cérémonie. Il y 



M 



65 — 



avait à la procession, quarante sept 
ecclésiastiques en surplis, chapes, cha- 
subles et dalmatiques. Comme il fallait 
porter les reliques dans les quatre égli- 
ses de Québec, nous eûmes la consola- 
tion de voir cette imposante cérémonie. 
M. de Tracy, vice-roi, M. de Courcelles, 
gouverneur, avec les deux plus consi- 
dérables de la noblesse, portaient le 
dais. Les plus élevés en dignité d'entre 
les ecclésiastiques, portaient les quatre 
grandes chasses sur des brancards 
magnifiquement ornés. La procession 
sortant d'une église y laissait une 
chasse. La musique ne cessa point, 
tant dans les chemins, que dans les 
stations. Monseigneur suivait les 
saintes reliques et la procession, en 
habits pontificaux. Je n'aurais jamais 
espéré de voir une si grande magnifi- 
cence dans l'église du Canada, où quand 
je suis venue, je n'avais rien vu que 
d'inculte et de barbare. C'est une chose 

ravissante de voir M. de Tracy dans une 
5 



66 — 




exactitude merveilleuse à se rendre le 
premier à toutes ces saintes cérémonies, 
car il n'en perdrait pas un moment. 
Son exemple a tant de force que le 
monde le suit, comme des enfants sui- 
vent leur père. Il favorise et soutient 
l'Eglise par la piété et par le crédit qu'il 
a universellement sur tous les esprits. " 

Cette dévotion du gouverneur s'af- 
firma particulièrement dans un pèleri- 
nage qu'il fit avec Mgr de Laval, à Ste- 
Anne de Beaupré, le 17 août 1666. On 
remarque encore aujourd'hui, au-dessus 
du maître-autel, le tableau donné à cette 
occasion par le pieux pèlerin. 

Monseigneur de Laval n'oubliait pas 
ses communautés religieuses ; il les visi- 
tait, les dirigeait avec une sagesse 
admirable et les consolait dans leurs 
épreuves. Il sollicita lui-même, en 1669, 
des lettres patentes du roi pour l'établis- 
sement définitif de l'Hotel-Dieu de 
Montréal, qui existait déjà depuis dix 
ans, et en 1676, il approuvait par un 



67 



mandement la congrégation de Notre- 
Dame fondée à Ville-Marie par la véné- 
rable Sœur Bourgeois. Cette sainte fille 
avait toute l'estime et l'affection de son 
premier supérieur et, quand elle mou- 
rut, il rendit hommage à ses A^ertus. 
" C'était, écrivait-il, un fruit mur pour 
" le ciel, elle a été un sujet d'édifica- 
" tion pendant sa vie, elle nous doit 
" servir d'exemple après sa mort. 

*' Elle était simple et humble, et Dieu 

" lui a fait bien des grâces elleser- 

" vira auprès de Notre Seigneur d'un 
" graiid secours à notre communauté. " 

Les annales des Ursulines et de 
l'Hotel-Dieu de Québec, nous disent 
quelle vénération avaient ces deux 
communautés pour Mgr de Laval, et 
quel fut son dévouement pour elles. 
Le sainî: Evêque comprenait quels 
trosors Dieu avait mis pour ainsi dire 
entre ses mains, quand il lui avait 
confié des âmes d'élite comme la sœur 
Bourgeois, la mère de l'Incarnation et 






— 68 



l'ii'i 



la mère de Saint-Augustiii. Il survécut 
à ces trois femmes admirables, confiant 
que par leurs mérites et leurs prières, 
elles lui prépareraient aussi sa place au 
ciel. A peine la mère de Saint- Augustin 
avait-elle rendu le dernier soupir qu'il 
chargea le Père Raguenau d'écrire sa 
vie, d'après les notes qu'elle avait 
laissées elle-même, sur l'ordre formel 
de Mgr de Laval, pour faire connaître 
les opérations de Dieu dans son âme. 
Après la mort de la mère de l'In- 
carnation, il écrivait : " Le témoigna- 
*' ge que nouspouvons en rendre est 
*' qu'elle était ornée de toutes les vertus 

" dans un degré très-éminent 

" Sa vie, commune à l'extérieur, était à 
" l'intérieur toute divine,de sorte qu'elle 
*' était une règle vivante pour toutes ses 

" sœurs nous ne doutons pas que 

" ses prières n'aient obtenu en grande 
" partie les faveurs dont jouit mainte- 
" nant l'Eglise naissante du Canada. " 
On a vu précédemment en quelle 



— 69 — 

estime Mgr de Laval tenait les ER. 
Pères Jésuites et quel encouragement il 
donnait à leurs missions. Les Kécollets 
reçurent aussi son paternel appui. Ces 
Religieux qui,les premiers, avaient évaii- 
gélisé le Canada, où ils étaient arrivés 
en 1618, et dont l'établissement avait 
été détruit par les Anglais en 1629, 
revinrent à Québec en 1670. Mgr de 
Laval les assista bien souvent dans leur 
pauvreté et, dès leur retour au pays, il 
leur confia le soin des missions des 
Trois-Rivières, de l'Ile Percée, de la 
Rivière Saint- Jean et au Fort de Fron- 
tenac. . 



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CHAPITRE VII 



'■•S 



2e voyage en France. — La Bonne Sainte Anne. — 3e 
voyage. — Mgr de Laval est gravement malade. — Il 
veut donner sa démission et fait son 4e voyage en 
France. — Eloge qu'en fait Mgr de St Valier. 



En 1672, Mgr de Laval entreprenait, 
dans les iTitérêts de sa chère Eglise, un 
second voyage en France. Il y demeura 
trois ans, ne reculant devant aucune 
démarche, aucun effort, pour faire 
prévaloir les droits de la justice et de 
la religion. 

A son retour en 16Y5, il travailla 
avec un redoublement de zèle au bien 
spirituel et temporel de son troupeau. 

Sa piété ne lui faisait négliger aucune 
des dévotions qu'il croyait nécessaires 
ou utiles. C'est ainsi qu'en 1665, il avait 
établi la confrérie de la Ste Famille et 



-fi- 



celle du saint scapulaire et qu'il encou- 
ragea toujours le culte rendu à la Bonne 
Ste Anne de Beaupré. 

La chapelle dédiée à cette grandtî 
thaumaturge fut reconstruite, avec son 
autorisation, en 16Ï6. 

Le passage suivant d'une de ses 
lettres fera voir l'intérêt qu'il prit à 
cette église et aux nombreux pèlerinages 
qui s'y faisaient, ^ ;< 

*' Comme M. Morel devait faire quel- 
ques quêtes pour le rétablissement de 
l'église de Ste Anne, et que je me per- 
suade aisément qu'il aura encore amassé 
quelque chose pour joindre au reste du 
fond, tant de ce qu'il m'a baillé que de 
ce qui est entre les mains des Boulan- 
gers, qui se monte bien à cinq cents 
francs, au cas que l'on envoyât six 
maçons, il en faudrait accommoder Ste 
Anne de deux, et commencer au moins 
l'été de 1680, à moins que les navires 
de cette année n'arrivassent de si bonne 
heure que l'on pût commencer dès cette 



— 12 



année. Ce qui aurait un bon effet et 
exciterait les peuples à continuer leurs 
charités pour le rétablissement d'une 
église où tout le pays a une si grande 
dévotion. " 

En effet, à cette époque et plusieurs 
années auparavant, on accourait en 
foule vers la Bonne Ste Anne de 
Beaupré, à laquelle on faisait, comme 
aujourd'hui, des vœux et des offrandes. 
C'est en 1665 que la mère de l'Incarna- 
tion écrivait : " A sept lieues d'ici, il y 
a un bourg appelé le Petit Cap où il y a 
une église de Ste Anne, dans laquelle 
Notre Seigneur fait de grandes mer- 
veilles en faveur de cette mère de la 
Très Ste Yierge. On y voit marcher les 
paralytiques, les aveugles recouvrer la 
A'ue, et les malades de quelque maladie 
que ce soit recevoir la santé. '* 

Aussi le pieux évêque de Québec, 
touché des merveilles qui, dès l'origine 
du Canada, ont rendu si célèbre ce lieu 
de pèlerinage, en approuva le recueil 



1S 



authentique fait par M. Thomas More], 
curé de Ste Anne de Beaupré ; " tout ce 
" qu'il contient est conforme à la vérité 
" et très propre à fav^oriser la dévotion 
" envers la mère de la Ste Vierge. 
" Nous affirmons que rien n'a contribué aussi 
" efficacement aux progrès de cette Eglise 
" naissante que la dévotion spéciale que le 
" peuple de tout le pays professe envers cette 
" grande sainte^ dévotion qui le distingue 
" certainement des autres peuples. " 25 juin 
1680. 

L'année suivante, les désordres causés 
par le trafic de l'eau-de-vie, désordres 
auxquels l'autorité et la fermeté de 
l'évêque s'étaient, comme on l'a vu, tou- 
jours opposées, l'obligèrent à se rendre à 
la cour pour la troisième fois. Malheu- 
reusement les efforts multipliés de 
l'énergique prélat allèrent se briser 
contre les préventions que le gouver- 
neur et l'Intendant de l'époque avaient 
inspirées au roi, et, après deux ans de 
luttes infructueuses, brisé par les épreu- 



Y4-~ 



ves et les infirmiti'^s, le prélat reprit le 
chemin de son diocèse. 

Tant de travaux, de fatigues, de 
déceptions, de si profonds chagrins, les 
misères que lui causèrent les Récollets, 
en s'obstinant, contre sa volonté, à 
construire une église et un nouveau 
monastère, amenèrent chez Mgr de 
Laval une maladie qui le conduisit aux 
portes du tombeau. 

A peine revenu à la vie, le courageux 
pasteur poursuivit sa tâche. Mais elle 
était si ardue, et l'apôtre si atTaibli, qu'il 
dût bientôt songer à prendre un repos 
nécessaire, et c'est pour réparer ses 
forces épuisées, qu'il se rendit à la cam- 
pagne, dans une maison du séminaire. 
La souffrance le suivit dans sa retraite. 

Ajoutons à cela les ravages qu'une 
maladie terrible exerça à Québec vers 
la même époque, l'incendie qui con- 
suma la Basse-Yille en 1682, l'effroi 
général produit sur le peuple par l'ap- 
parition d'une comète, et l'on reconnaî- 



I 

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75 — 



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cam- 
naire. 
raite. 
l'une 
vers 
con- 
efFroi 
• l'ap- 
nnaî- 



tra qu'il fallait toute la force d'âme de 
l'homme de Dieu, pour supporter sans 
mourir, de semblables afflictions. 

C'est pendant ces jours d'épreuves 
que la charité de Mgr de Laval brilla 
d'un plus vif éclat. Il faisait beau le 
voir au chevet des malades et des mou- 
rants, consolant ceux-ci, encourageant 
ceux-là, dépensant envers tous, les 
trésors inépuisables d'un cœur essen- 
tiellement sympathique et généreux. 
Les indigents étaient l'objet particulier 
de son dévouement. Pour soulager leur 
détresse, il se réduisit à une sorte de 
pénurie, et l'on dit qu'à cette époque 
néfaste, il versa trente mille livres dans 
le sein des pauvres, somme énorme 
pour le temps et pour les minces res- 
sources du généreux donateur. Ses 
charités unies à ses prières, fléchirent 
enfin le ciel. Le calme succéda au 
trouble, et la maladie cessa d'exercer 
ses ravages. ^ _i^.*----. ^^^ 

Revenu un peu à la santé, Mgr de 



ikilÈgl 



— 76 — 



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i4l 



Laval ne songea plus qu'à donner sa 
démission. 

'* Les forces de Mgr de Laval ne pou- 
vaient suffire à son zèle, dit l'Histoire 
de l'Hôtel-Dieu, les fatigues continuel- 
les qu'il essuyait dans les visites de son 
diocèse, qu'il faisait quelquefois en 
raquettes, lui avaient déjà fait contrac- 
ter plusieurs infirmités et par dessus 
tout cela, son humilité lui persuadait 
qu'un autre à sa i^ ce ferait plus de 
bien que lui, quoiqu'il en fit véritable- 
ment beaucoup, parce qu'il ne cher- 
chait que la gloire de Dieu, et le salut 
de son troupeau. Sa doctrine et ses 
éminentes vertus le faisaient regarder 
comme un très-digne prélat ; lui seul 
souhaitait d'être déchargé. " 

Dans une de ses lettres, le bon évêque 
attribue en partie sa démission à une 
affection du cœur, qui le réduisait par- 
fois à ne pouvoir se lever de son lit, et 
à une espèce de congestion cérébrale 
qui lui faisait éprouver des éblouisse- 



77 



ments et un long mal de tête, après une 
étude fatigante. 

C'est donc dans le dessein d'obtenir 
un remplaçant au siège de Québec, que 
Mgr de Laval traversa de nouveau les 
mers pour la 4e fois. Déjà il y songeait 
depuis quelque temps. 11 avait chargé 
M. Dudouyt, son procureur à Paris, de 
faire sans bruit quelques recherches sur 
un sujet propre à le remplacer. Le 28 
mars 1684, M. Dudouyt lui annonçait, 
qu'après avoir consulté M. Tronson et 
le Père LeValois, il croyait lui avoir 
trouvé un bon successeur, dans la per- 
sonne de l'abbé de St-Valier. 

Sa lettre renfermait un portrait du 
candidat avec les raisons pour et contre. 
Mgr dé Laval crut que c'était le meil- 
leur choix et partit de suite pour la 
France afin de le faire ratifier par le roi. 

La Providence permit que le prélat 
rencontrât encore des obstacles. Mais 
cette fois, son grand mérite seul les fit 
naître. Car Louis XIY connaissant ses 



78 



II 



1: !i 



hautes vertus, l'immense influence que 
sa popularité exerçait dans son diocèse, 
et le bien qui résultait de sa sage admi- 
nistration, hésitait à lui donner un suc- 
cesseur. Mgr de Laval en avait rendu 
la nomination extrêmement difficile. 

Cependant, vaincu par ses prières, 
touché de ses infirmités, le monarque 
finit par se rendre. Il fut convenu entre 
M. de St-Valier et l'évêque de Québec, 
que le premier viendrait au Canada, en 
qualité de G-rand Vicaire, afin de visiter 
son futur diocèse et d'en étudier les 
divers besoins, pendant que Mgr de 
Laval, restant en France, y solliciterait 
les bulles du St Siège. 

C'est en 1685 que le nouveau digni- 
taire arriva au pays ; il fut émerveillé 
de l'état florissant de la colonie, et 
surtout de l'église qui venait d'être 
confiée à ses soins. 

A cette époque, il y avait à Québec, 
le Château St-Louis, le séminaire, le 
monastère des Ursulines, l'Hotel-Dieu, 



— 79 — 



le vaste collège des Jésuites, en face de^ 
la Cathédrale, et le Couvent des Eécol- 
lets appelé alors Notre-Dame des Anges, 
aujourd'hui devenu l'Hôpital Grénéral, 
et habité à cette époque par quinze 
religieux. Quarante paroisses bien cons- 
tituées s'échelonnaient sur chacune des 
rives du fleuve St-Laurent. La popu- 
lation de la Nouvelle-France s'élevait à 
environ 10725 habitants, et celle de 
Québec à 2205. Il y avait cent quatre- 
vingt-sept maisons dans la ville. 

En voyant l'état si prospère du pays, 
en constatant le bien qu'y avait fait la 
religion, Mgr de St-Yalier attribua ces 
heureux résultats à l'esprit d'initiative 
et de zèle de Mgr de Laval ; il fit de lui 
ce bel éloge : " je m'estimerais heureux si 
je pouvais soutenir le bien que M. de 
de Québec avait établi avec tant de bé- 
nédiction et tant de peine, pendant près 
de trente années. La noble maison de 
Laval dont il est sorti, le droit d'ainesse 
de sa famille auquel il a renoncé, ea 



— 80 — 




entrant dans l'état ecclésiastique, la vie 
exem plaire qu'il a menée en France avant 
qu'on pensât à l'élever à l'épiscopat, le 
zèle et l'application avec laquelle il a 
gouverné si longtemps l'Eglise, soit en 
qualité de Vicaire Apostolique, Evêque 
Pétrée, soit en qualité de premier évêque 
de Qaébec, dont le titre a été érigé à 
Rome en 16*74, à l'instance de Louis-le- 
Grand, qui a dotél'évêché; la constance 
et la fermeté qu'il a eues à surmonter 
tous les obstacles qui se sont opposés en 
diverses occasions et en différentes ma- 
manières à la droiture de ses intentions 
et au bien de son cher troupeau ; les 
soins qu'il a pris de la colonie des fran- 
çais et de la conversion des sauvages, 
les navigation, qu'il a entreprises plu- 
sieurs fois pour le bien des uns et des 
autres ; le zèle qui le pressa de repasser 
en France, il y a trois ans, pour venir se 
chercher un successeur, son désintéres- 
sement et 1 humilité qu'il a fait paraître 
en offrant et en donnant de si bon cœur 



81 



sa démission pure ei; simple, enfin toutes 
les grandes vertus que je lui vois prati- 
quer chaque jour dans le séminaire où 
je demeure avec lui, mériteraient bien 
en cet endroit de solides louanges, mais 
sa modestie m'impose silence, et la vé- 
nération qu'on a pour lui partout où il 
est connu est un éloge moins suspect 
que celui que j'en pourais faire : l'hon- 
neur qu'il m'a fait de jeter les yeux sur 
moi pour remplir sa place, m'a mis sur 
les épaules, un fardeau si fort audessus 
de mes forces, qu'il me semble que, sans 
être ingrat, il me serait permis de n'en 
être pas tout-à-fait reconnaissant ; il lui 
était aisé de mieux choisir, et je sens 
bien qu'il me sera difficile de soutenir 
l'idée qu'il a eue de ma personne quand 
il m'a proposé au roi, tout indigne que 
je suis pour un si redoutable ministè- 



re. 



V, 



4 






CHAPITRE VIII 



I.ettre de Mgr de Laval.— Son retour au Canada — Siège 
de Québec— Les doux incendies du séminaire — Mort 
de Mgr de Laval.— Ses funérailles. 



Après un séjour de deux ans au Cana- 
da, pendant lequel il exerça tous les 
pouvoirs de l'évêque, Mgr de St-Yalier 
s'embarqua pour la France, en 1687, aliii 
de recevoir la consécration épiscopale. 

Le nouvel évêque eut beaucoup de 
peine à obtenir ses bulles. Mgr de 
Laval fait mention de ces difficultés 
dans une de ses lettres à M. de Bernières, 
le 18 mars 168Î : " M. Dudouyt vous 
donne avis de tout ce qui s'est passé 
depuis le retour de M. de St-Yalier qui 
ne pourra pas avoir ses bulles, cette 
année, et par conséquent repasser en 
Canada ; et moi conformément aux son- 



83 



timeuts que le Seigneur me fait la mi- 
séricorde de me continuer, j'y retourne 
comme aux lieux où mon cœur est insé- 
parablement attaché, en sorte que quand 
je serais assuré de mourir sur la mer, je 
m'embarquerais pour n'être pas privé 
au moins de la consolation de mourir 
dans l'accomplissement du bon plaisir 
de Notre Seigneur, dans lequel doit 
«onsister notre bonheur pour le temps 
et pour l'éternité." 

Si Mgr de Laval était anxieux de 
revoir le pays fécondé par ses sueurs et 
son dévouement, son ancien troupeau 
ne soupirait pas après son retour avec 
moins d'impatience. Nous en avons la 
preuve dans une lettre que le Chapitre 
de Québec écrivait au cher prélat, le 10 
octobre 1687 : 

"...Agréez cependant. Monseigneur, 
la protestation qu'elle (la Compagnie) 
vous fait de conserver pour votre Gran- 
deur une reconnaissance immortelles des 
bienfaits qu'elle eu § çe^US, entre |tî8- 



— 84 — 



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quels celui dont elle vous sera éternelle- 
ment redevable est d'avoir été son insti- 
tuteur, son fondateur et son père. 

" C'est par rapport à des titres si 
glorieux et si aimables tout ensemble 
pour nous, que nous sommes résolus 
d'avoir toujours pour votre G-randeur 
des cœurs de véritables enfants. Plaise 
à Dieu, Monseigneur, que les enfants 
aient la joie de revoir et de vivre en la 
compagnie de leur Père. 

"C'est la grâce que nous ne cesserons 
de lui demander, sous le bon plaisir 
toutefois de son adorable et amoureuse 
Providence, aux ordres de laquelle nous 
savons que votre G-randeur est entière- 
ment soumise. 

" Nous vous demandons en toute hu- 
milité votre sainte bénédiction et som- 
mes, avec un profond respect. 

Monseigneur, de Yotre Grandeur, 

Les très humbles et obéissants serv., 

'' Les doyens et chanoines de l'Eglise 
Cathédrale et Chapitre de Québec. 

" De Québec, daus uotro assemblée géuorale,cell octobre 16S7." 



— 85 — 



Mgr de Laval répondait d^ns les ter- 
mes suivants à ces protestations si flat- 
teuses de respect et de reconnaissance : 

" Il ne me reste plus, messieurs 

et très chers Frères, qu'à vous remercier 
de la bonne affection que vous conser- 
vez à mon endroit, et à vous assurer 
qu'il ne tiendra pas à moi que je n'aille 
au plus tôt me réunir avec vous dans 
une Eglise naissante que j'ai toujours 
chérie comme la portion et l'héritage 
qu'il a plu à Notre Seigneur de me 
conserver pendant près de trente ans. 
Je supplie sori infinie bonté que Celui 
entre les mains duquel il l'a lait passer, 
par ma démission, répare toutes mes 
fautes. Je feuis en son amour et celui 
de sa sainte Mère 

Votre très humble et 

très affectionné serviteur, 

(Signé) t FRANÇOIS, 

Premier Evêque de Québec. 

De Paris, ce 18 janvier 1688." 



/ 



■—86 — 

Ces deux lettres qui, nous le croyons, 
n'ont jamais été publiées, font voir l'at- 
tachement et l'affection filiale du Cha- 
pitre de Québec pour Mgr de Laval et 
la haute opinion qu'il avait de ses vertus. 

Avant de se réunir à l'église qu'il 
avait fondée au prix de tant de labeurs, 
le vertueux prélat dut se heurter aux 
pressantes sollicitations de sa famille et 
de ses amis, qui employèrent pour le 
retenir en France, toutes les ressources 
que peut suggérer une vive tendresse. 
La sollicitude pour ses anciens diocé- 
sains, son culte pour le séminaire de 
Québec, son dévouement pour tout ce 
touchait au Canada, triomphèrent de 
toutes les instances, et, au printemps 
de l'année 1688, le père était rendu à 
ses enfants. 

Eloigné depuis trois ans de son cher 
troupeau, vivement désiré de tous, Mgv 
l'Ancien, comme on l'appelait alors pour 
le distinguer de son succe^sseur, fut reçu 
avec les démonstrations de la joie la plus 



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— 87 



vive. Il s'y déroba bientôt cependant, 
son zèle l'entraînant vers les paroisses 
qu'il avait érigées avec tant de peines. 
C'est ainsi qu'il remonta le St-Laurent 
et s'arrêta assez longtemps à Montréal. 
Mgr de St-Yalier ne vint au Canada que 
cinq ou six mois après le premier évêque. 

Celui-ci, dont la faiblesse et les infir- 
mités augmentaient sans cesse, avait fait 
du séminaire l'asile de ses dernières 
années. De sa solitude, il s'intéressait 
vivement à son ancien diocèse, suivant 
avec sollicitude les développements de 
la colonie, et mettant avi service de tous, 
les lumières de sa longue expérience. 

Que d'actes inconsidérés, que de dis- 
sontions, sa prudence et son esprit de 
conciliation ne comprimèrent-ils pas ! 
Malheureusement il est des troubles que 
son dévouement fut impuissant à com- 
battre ou à prévenir, et,contrarié dans ses 
vues les plus chères, le bon prélat ne 
pouvait souvent que prier pour son 
Eglise et la paix du pays. 



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— 88 — 



I 



Il fut particulièrement éprouvé pen- 
dant le siège de Québec par les Anglais, 
en 1690. Dans ces jours de deuil et 
d'alarmes pour la colonie, la grandeur 
d'âme de Mgr de Laval ne l'abandonna 
pas un instant. Fidèle à ses traditions, 
l'héroïque vieillard était partout où il 
y avait un courage à relever, une âme 
à consoler. 

D'après son avis on mit le succès des 
armes canadiennes sous la protection 
de la Ste Vierge, promettant à cette 
puissante Mère que, si la victoire appar- 
tenait au Canada, l'église de la Basse- 
Yille, érigée depuis deux ans à peine, 
serait placée sous le voc able de N. D. 
des Yictoires. 

Marie exauça ce vœu. Les Anglais 
furent repoussés avec perte, et Québec 
fut délivré après avoir été assiégé pen- 
dant sept jours, r ^^ 

Bien que toujours malade et souf- 
frant, Mgr de Laval vécut encore de 
longues années, retenu providentielle- 



89 



ment pour le bien du diocèse dont 
l'évêque titulaire fut éloigné pendant 
plus de 12 ans. Mgr l'ancien n'rtait 
pas administrateur en titre, mais rien 
d'important n'était fait sans ses con- 
seils, et toutes les chroniques s'accor- 
dent à reconnaître les services émi- 
ments qu'il rendit à la colonie, pendant 
les longues absences de son successeur. 
Douze prêtres furent ordonnés par lui 
de 1691 à 1708. 

En 1696 le précieux registre des con- 
firmations mentionne qu'il confirma à 
la cathédrale 162 personnes, et en 1701, 
322 à la chapelle du séminaire. Il eut 
le courage à l'âge de 81 ans d'aller 
administrer le même sacrement à Mont- 
réal et dans les paroisses voisines. 

Dieu qui voulait associer son servi- 
teur aux amertumes de sa Passion, per- 
mit que ses derniers jours fussent rem- 
plis de chagrins et de déboires. - 
L'épreuve la plus sensible au cœur de 
Mgr de Laval fut sans contredit l'in- 



90 




-cendie de son séminaire, le 15 novem- 
bre 1701. De cet édifice qui, par sa 
beauté et ses proportions, faisait la 
gloire de Québec. '1 ne resta que des 
ruines. Le vénérable évêque lui-même 
fut à grand peine retiré des flammes. 
Quelle ne fut pas sa douleur en voyant 
s'écrouler en un jour le chef-d'œuvre de 
sa vie, l'objet de ses plus chères espé- 
rances ! Cependant en face de ce mal 
heur terrible, nul ne montra plus de 
résignation, nul n'enlaça la croix avec 
plus de religieuse fermeté. 

Quatre ans après, un nouveau sémi- 
naire s'élevait sur les cendres de l'an- 
cien. On poursuivait activement les 
derniers travaux de reconstruction, 
lorsqu'un second incendie vint anéantir 
le nouvel édifice. Une âme moins for- 
tement trempée que celle de Mgr de 
Laval eut succombé sous le poids écra- 
sant de ce nouveau désastre. Lui, sans 
fie laisser abattre, baisa, comme toujours. 



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— 91 



la main qui le frappait sans relâche 
dans ses affections les plus chères. 

Cependant le Seigneur voulait récom- 
penser la résignation du vertueux 
prélat. " Depuis longtemps, dit la 
pieuse auteur de l'Histoire de l'Hôtel- 
Dieu, il languissait dans les infirmités 
que ses immenses travaux et son grand 
âge lui avaient attirées ; il approchait 
du terme que les justes regardent 
comme l'objet de leurs désirs. Un 
prêtre du séminaire qui avait tou- 
jours eu pour lui une parfaite véné- 
ration, le voyant près de sa fin, lui 
dit : Nous quitteriez-vous sans nous 
rien dire ? Et lui nommant plusieurs 
prélats qui ont exhorté leurs enfants 
spirituels avant que de mourir et qui 
leur ont donné des avis salutaires, il 
ajouta : Pourquoi ne feriez-vous pas 
comme eux ? Le prélat lui répondit : 
Ils étaient des saints et je suis un 
pécheur, il ne témoigna pas moins 
le désir qu'il avait du srlut de son 



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" troupeau, et plein de grands senti- 
" ments, il mourut le 6 de mai 1Y08. " 

Mgr de Laval était âgé de 85 ans, il 
était évêque depuis 50 ans et avait gou- 
verné pendant 35 ans l'église de la 
Nouvelle-France. 

Jaro.ais prélat ne fut plus vivement 
regretté. La colonie toute entière s'émut 
de cette perte immense. Cinquante ans 
de dévouement, de soins vigilants, de 
paternelle tendressse avait établi entre 
le pasteur et le troupeau des liens pres- 
que indissolubles, et chacun pleurait en 
lui un ami, un bienfaiteur, un père, 

Une fois la nouvelle de cette mort 
répandue dans la ville, la foule entoura 
sa dépouille mortelle et chacun s'em- 
pressait de faire toucher au corps du 
Prélat, des chapelets, ou d'autres objets 
d^e piété. Les enfants eux-mêmes 
criaient : laissez-nous approcher, iaissez- 
nous \oir le saint. 

Les annales des TJrsulines qui rap- 
portent ce fait, rendent compte de l'im- 



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93 



pression que produisit dans les commu- 
nautés la mort de Mgr de Laval : 

*' Les communautés religieuses, ayant 
témoigné un grand désir de voir les 
restes vénérés du Prélat défunt, les 
Messieurs du séminaire nous accordè- 
rent cette faveur. On tendit les églises 
de noir, et l'on fit au milieu une éléva- 
tion toute entourée de lumières pour y 
poser le précieux dépôt. Le troisième 
jour donc, six ecclésiastique, qui se chan- 
geaient à chaque station, portèrent le 
saint corps dans les quatre églises de la 
haute ville, savoir : chez les KR. PP. 
Franciscains, dans notre petite chapelle, 
à l'église des 11 K. P P. Jésuites et enfin 
à l'Hôtel-Dieu, d'où le convoi se dirigea 
vers la cathédrale pour l'inhumafion. 
Les clergé, y compris les enfants de 
chœur, était bien de cent cinquante 
personnes ; tous les curés de trente 
lieues à la ronde s'étaient rendus à 
Québec, et les religieux s'étaient joints 
au cortège. Jamais on n'avait vu en ce 




--.94 — 

pays de convoi de pompe funèbre sem- 
blable : aussi était-ce la pompe funèbre 
du saint premier Evêque de la Nouvelle 
France! " 

"Après la mort du prélat, dit M. de 
la Tour, on fit des procès-verbaux sur 
plusieurs miracles opérés à son tom- 
beau." Malheureusement ces procès- 
verbeaux dressés par M. le Grand Vi- 
caire Griandelet n'ont jamais pu être 
retrouvés. 






CHAPITRE- IX 



Trauslat ion des restes de Mgr de Lava^ . 



Depuis près de doux siècles, Mgr de^ 
Laval dormait en paix dans la vieille- 
cathédrale de Québec, lorsque la décou- 
verte de ses ossements bénis, retrouvée 
intacts, produisis parmi la population 
canadienne les plus vifs sentiments de 
joie religieuse. 

Le séminaire de Québec, tout reten- 
tissant encore du nom de Laval, tout 
embaumé de ses vertus, s'émut particu- 
lièrement de cette précieuse découverte. 
Avec instance, il sollicita du curé de 
Notre-Dame, l'honneur insigne de rece- 
voir dans sa chapelle, les restes vénérés 
de son illustre fondateur. " Il est notre 
bienfaiteur, disait la supplique. Il est 



— 96 — 




notre plus beau modèle. Il est, nous 
en avons la ferme espérance, notre pro- 
tecteur au ciel. " Ces titres si nombreux 
et si légitimes obtinrent aux enfants 
de Laval, la réalisation de leurs vœux 
les plus chers. Le 15 mai 1878, avait 
lieu la translation intime des restes de 
l'illustre pontife, dans la chapelle du 
séminaire. Merveilleuse coïncidence, 
ou plutôt permission de la Providence, 
les cendres de Mgr de Laval étaient 
ainsi ram.enées après cent soixante-dix 
ans, à l'endroit même où s'exhala son 
dernier soupir. En effet, l'histoire ma- 
nuscrite du séminaire nous donne les 
renseignements suivants : 

" Après l'incendie de 1Y05, Mgr de 
Laval fut l'hôte des RE. PP. Jésuites, 
pendant deux mois. Pais on lui dressa 
un petit appartement dans l'endroit du 
séminaire que les flammes avaient épar- 
gné, c'est-à-dire dans la partie la plus 
voisine de la cathédrale, située à la 
place de la chapelle actuelle. Kien 



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— 97 



n'indique que plus tard, il ait été obligé 
de changer de logis. Il est donc proba- 
ble que Mgr de Laval est mort dans 
cette partie du séminaire bâtie à cette 
époque, à l'endroit même de la chapelle 
actuelle. " - ^^ 

Cette cérémonie de la translation des 
restes de Mgr de Laval, qu'on a qua- 
lifiée d'intime, car, à part le clergé de 
la ville, on n'y avait convié que la 
familley c'est-à-dire les professeurs et les 
élèves de l'Université et du séminaire, 
ne laissa pas d'être accompagnée d'une 
grande pompe. Plus de quarante prê- 
tres en rehaussaient l'éclat. 

Mais rien n'égala l'enthousiasme qui 
se manifesta le jour de la translation so- 
lennelle, le 23 Mai 1878. Tout le pays 
était là : les archevêque et évêques, au 
nombre de neuf, plus de quatre cents 
prêtres, le lieutenant-gouverneur de la 
Province de Québec, plusieurs ministres 
locaux et fédéraux, l'Université-Laval, 
les différents corps religieux et civils, 



- 98 — 



enfin une foule immense accourue' pour 
rendre homnage à l'illustre fondateur 
de l'église du Canada. ' . ? - ^ 

Comme au jour de ses premières funé- 
railles, Mgr de Laval a traversé les rues 
de son cher Québec, s'arrêtant comme 
autrefois, dans chacune des églises de 
la Haute-Ville et des chapelles des Com- 
munautés religieuses. Les catafalques 
érigés dans ces sanctuaires surpassaient 
en luxe et en délicatesse tout ce qu'on 
avait vu jusqu'alors. Mais la vieille 
cathédrale semblait avoir gardé pour 
elle, le cachet de la grandeur et de la 
majesté. >,^ v, 

A la porte de cette église, Son Ex. 
Mgr Conroy, Délégué Apostolique au 
Canada, reçut le brillant cortège. Mgr 
l'Archevêque de Québec, quinzième suc- 
cesseur de Mgi- de Laval, aujourd'hui 
Son Eminence le Cardinal Taschereau, 
chanta le service. Personne n'a oublié 
avec quelle éloquence Mgr Antoine 
Racine rappela à l'immense auditoire, 



les vertus de Mgr de Laval, et les grands 
traits de sa vio, et démontra la fécondité 
de son apostolat et la duréq de ses 
œuvres. ; v 

Puis le cortège se remit en marche 
pour la chapelle du Séminaire. Le der- 
nier //6er« annonça la fin de ia cérémonie 
religieuse, et les restes précieux du pre- 
mier évêque de Québec furent déposés 
sous les voûtes de ce monument qu'il 
éleva lui-même à la gloire de la reli- 
gion et de la patrie. 



Il 



CHAPITRE X 



Procès de canonisation — Vertus de Mgr de Laval- 
rades. 



-Mi- 



Les circonstances étaient favorables, 
et le vœu populaire s'était clairement 
manifesté au milieu de ces fêtes splen- 
dides ; cette translation des restes de 
Mgr de Laval faisait désirer un triomphe 
encore plus éclatant, et soupirer après 
la fête des fêtes, celle de la glorification 
de l'illustre serviteur de Dieu. Aussi 
une supplique fut de suite adressée à 
nos seigneurs les évêques de la Province, 
pour que, sur leur demande, le procès 
de canonisation de Mgr de Laval fut 
autorisé par le Saint-îSiège, 

Les prélats consentirent de suite avec 
joie à faire cette démarche et, comme 
l'on sait, le premier procès est déjà ter- 



101 — 



miné et soumis à l'approbation de Sa 
Sainteté Léon XIII. 

Pour qu'un saint soit canonisé, il faut 
prouver sa réputation de sainteté, ses 
vertus héroïques et ses miracles ; et ce 
n'est qu'après plusieurs procès très diffi- 
ciles que Rome se prononce et autorise 
le culte public. 

Par ce qu'on a déjà vu, il est clair que 
Mgr de Laval avait à sa mort une 
grande réputation de sainteté, et que 
cette réputation est parvenue jusqu'à 
nous après avoii* subi l'épreuve de deux 
siècles. Ses vertus éminentes ont été 
reconnues et admirées par tous ses con- 
temporains. ' V - .^ r . . 

Nous allons en donner quelques té- 
moignages. - . :. ï^î;; • V ; 

La mère de l'Incarnation parle ainsi 
du zèle de Mgr de Laval : ' * 

" Notre prélat est très zélé et inflexi- 
ble, zélé pour ce qu'il croit devoir aug- 
menter la gloire de Dieu, et inflexible 
pour ne point céder en ce qui est con- 



102 — 



■1 






! 



traire. Je n'ai point encore vu de per- 
sonne si ferme que lui en ces deux 
points. " Toutes les œuvres de Mgr 
de Laval portent le cachet de cette 
ardeur apostolique à laquelle Mgr de 
St-Valier a également rendu un éclatant 
témoignage, lorsqu'il a dit : " Ma plus 
grande peine est de trouver une église 
où il ne nous paraît plus rien y avoir 
pour exercer mon zèle. " ' • *' '^ 

Ce zèle était, comme nous l'avons 
déjà prouvé, réglé par la plus admira- 
ble prudence. Mgr de Laval ne faisait 
rien sans consulter ; aussi s'adressait- 
on à lui de tous les côtés pour en rece- 
voir des conseils, sachant que tout ce 
qu'il dirait serait dicté par la plus 
grande sagesse. M. Tronson écrivait à 
M. Dollier du Séminaire de Montréal : 
*' Il ne faut rien faire... sans consulter 

Mgr l'Evêque de Québec l'Ancien 

Il repasse cette année au Canada ; et 
ses vues feront connaître ce que Dieu 
demande de nous en cette ^occasion. 



— 103 — 



Vous connaissez sa piéiéy son désintéresse- 
ment, sa prudence, et ses lumières; il 

connaît mieux que personne l'état de 
son église. Nous ne cherchons tous que 
la volonté de Dieu, et c'est là.le moyen 
de la connaître. " 

-^ Ce serait sortir du cadre que nous 
nous sommes tracé que d'entrer dans 
le détail de toutes les vertus que prati- 
qua à un si haut degré le premier 
Evêque de Québec. Nous allons faire 
parler un témoin qui nous donnera une 
idée de la foi, de l'espérance, de la cha- 
rité, de l'humilité et de la mortification 
du saint Prélat, ^■[^r^mnj-.^ .T^^viM^^^^r^^-^^r 
Ce témoin, c'est le bon frère Houssart, 
qui fut attaché au service de l'Evêque 
pendant les vingt dernières années de 
sa vie. A la mort de Mgr de Laval, il 
écrivit une longue lettre à M. Tremblay 
du séminaire de Paris. Cette lettre a 
été publiée pour la première fois dans 
V Abeille, et nous allons en donner quel- 
ques extraits. 



104 — 






-#■ 



*' Monsieur, 

*' Yons avez déjà, sans doute, appris la 
mort de Mgr de Laval ancien et pre- 
mier évêque du Canada, et ce n'est pas 
pour vous en informer que je prend la li- 
berté de vous écrire , mais pour vous 

témoigner combien cette mort et la 
séparation d'un si bon, si saint et si 
charitable maître m'a été sensible. 

...Mais la consolation qui s'est 

meslée parmi la tristesse, en voyant un 
saint mourir en saint après avoir vescu 
en saint, a été un très grand soulage- 
ment à ma peine, aussi bien qu'à celle 
de tout le Séminaire et de tous les peu- 
ples du Canada ; et la haute idée que 
nous avons tous de la grande gloire que 
possède dans le ciel nostre défunct et 
nostre commun Père, nous fait espérer 
que par son intercession et son crédit 
auprès de Dieu, il nous dédommagerai 
copieusement de la perte que nous 
avons faite de sa Ste présence. Plu- 
sieurs l'ont déjà éprouvé dans )e soula- 






— 105"— '" / ■ 

gement qu'ils ont reçu dans leurs peines 
et infirmitez, par l'invocation et le 
recours qu'ils ont eu à nostre dit St 
défunt, comme vous l'apprendrez par 
une autre voye. jr * r> ^^v ^ » 

" Toutes les personnes du séminaire 
doivent avoir une confiance très parti» 
culière aux mérites et intercessions de 
leur premier Père ; car Sa G-randeur 
s'étant offerte en sacrifice, comme elle 
fit six jours avant son Saint trépas, pour 
porter la peine de tous les péchés du 
séminaire, et ayant prié Dieu de l'exter- 
miner elle seule ; ayant prié aussi 

de détruire entièrement le péché de èa 
sainte maison et d'y maintenir jusques 
à la fin des siècles le très saint 
amour et le véritable culte de Dieu et 
de la très sainte famille de Jésu, Marie, 
Joseph, et des St. Anges, et Sa Grrandeur 
ayant été exaucée par le redoublement de 
ses douleurs qui furent excessives depuis 
ce jour là jusqu'à sa mort, nous 
avons tous lieu de croire qu'il nous a 



— lOG — 



acquis par ses souffrances des grâces 
particulières pour éviter le péché et i>our 
pratiquer la vertu. 

r" Mais je ne puis, Monsier lae dis- 
penser de vous dire que quand il mt' 
revient en la mémoire l'accent et la 
ferveur avec laquelle Sa Grandeur pro- 
nonçait ces paroles et beaucoup d'autres 
pleines de feu et d'amour, les yeux et 
les mains élevées vers le ciel, avec des 
sentiments extraordinaires d'humilité 
et de mépris de soy-même, et des retours 
d'une véritable confiance en Pieu, no- 
nobstant, disait-elle, sa très grande indi- 
gnité, j'en ay le cœur si pénétré que je 
ne puis retenir mes larmes ; je souhaitais 
pour lors que toutes les personnes du 
Canada eussent pu entendre chacune 
une seule de ses paroles, pour en estre 
toutes embrasées ; car elles étaient 
toutes capables de pénétrer, attendrir 
et enlever les cœurs, même les plus 
endurcis. 

"Je ne doute pas, Monsieur, que vous 



107 



u'ayiez aussi appris la distribution qui 
a été faite à la grande instance des 
peuples du Canada, du linge trempé et 
teint du sang de mon dit Seigneur, de 
ses cheveux et de ses habits 

" Vous serez sans doute bien aise que 
je vous fasse un petit détail de quel- 
ques actions communes et ordinaires de 
Sa G-randeur, qui m'ont le plus touché 
et m'ont fait prendre la résolution, plus 
de quinze ans avant sa mort, d'en agir 
ainsi ^ït^ 

" Ce qui m'a toujours tenu dans la sur- 
prise et dans l'admiration a esté de voir 
un homme d'un aussi grand mérite, 

d'une aussi grande vénération, 

et aussi utile en ce pays que l'était 
Monseigneur, cassé et rompu de vieil- 
lesse, de fatigues et d'infirmitez jusques 
à l'âge de qnatre-vingt cinq ans, estre 
aussi exacte que Testait Sa Grandeur à 
se mortifier en toutes choses 

" lo De coucher sur un très chétif ma- 
telas sur les planches... à faire tcus les 



r- — 108 




.%. . 




jours luy-même son pauvre lit jusqu'à la 
fin de sa vie, sans permetti-e que j'y 

touLîhe que très rarement 

"2o De ne sejamais coucher qu'il n'eût 
dit et ne se fût acquitté de tous ses offi- 
ces, prières, lectures, chapelets etc. quel- 
que tard qu'il fût et quelqu'afîaire 
qu'eut eue Sa Grandeur, et quoyqu'il se 
couchât fort tard, ne jamais manquer à 
se lever pendant plus de quinze ans à 
deux heures du matin (je ne parle que 
du temps que j'ay servi Sa Grrandeur, 
car plus de trente ans auparavant elle 
se levait à la mémo heure) et les cinq 
dernières années de sa vie sur les trois 
heures. Et de se lever pendant les 
dittes quinze années et celles d'aupara- 
vant, tout seul, sans feu, n'ayant point 
de pouële dans sa chambre, où il gelait 
très fort toutes les nuits pendant 

rhyrer s'en aller à quatre heures à 

l'église, la lanterne à la main, en ouvrir 
les portes, sonner sa messe qui était la 
première de quatre heures et demie 



— 109 — 



pour les travaillans, et rester à l'église 
ou à la sacristie qui était fort froide et 
incommode pour lors, jusques à sept 

heures 

'' 4o Sa Grandeur cherch ait tous 

les jours les moyens (cachés) qu'elle 
pouvait s'imaginer pour se procurer des 
douleurs et des souffrances, comme soit 
par exemple, de porter presque tous les 
jours le cilice, et de le quitter tous les 
soirs en cachette, de peur que je ne le 
visse en pansant le cautère qu'elle avait 
au bras, et sur ces dernières années 
qu'elle ae pouvait presque plus agir, 
le porter jour et nuit et avoir un très 
grand soin et faire en sorte que je ne 
le voiy point en pansant le dit cau- 
tère Dédire assiduement la sainte 

messe nonobstant des ouvertures et des 
playes très considérables et très sensibles 
qu'elle avait aux jambes et aux pieds, 
et que nos Mrs. et même Monsieur le 
Médecin luy représentassent le tort 
qu'elle faisait à sa santé en se gênant 



110 



M >| 

1 






\ 



f»t souffrant comme elle faisait pour dire 
la Ste messe. ^ 

" D'assister en ces états et avec toutes 
ces playes à tous les offices de la cathé- 
drale quelque froid qu'il fit, et de s'y 
faire porter quand elle ne put plus 
marcher. C'est dans la pratique de cette 
ferveur et dans l'exercice de cette dévo- 
tion et de cette haine d'elle-même, qu'elle 
gagna pendant l'office du vendredi saint, 
par un des plus grands froids qu'il se 
puisse faire en Canada une engelure au 
talon qui lui a causé la mort 

" J'auray plulost fait, Monsieur, de 
vous dire en deux mots, que quand il s'a- 
gissait du service de Dieu et de la charité 
du prochain, aucune douleur ni infir- 
mitez n'étaient capable d'y faire man- 
quer sa Grrandeur en un seul point 

" Mais ce qui fait mieux connaître la 
patience de Sa Grandeur dans ses plus 
grandes plaintes, c'est que quand on 
voulait avoir égard à ses douleurs et à 
ses plaintes et qu'on voulait l'épargner, 



— ni- 
elle voulait qu'on fit ce qui était néces- 
saire à ses playes sans avoir égard à ses 
plaintes et douleurs, 

" En pansant la playe qui lui a causé 
la mort, sa douleur était si grande qae 
tout le corps luy en frémissait ; il se 
plaignait d'une manière à tirer les lar- 
mes des yeux de ceux qui étaient pré- 
sents. Le bon frère Boussat y estant 
un jour dit à Sa Grrandeur par compas- 
sion : Eh ! bien, Monseigneur, que vou- 
lez-vous que nous fassions ? que met- 
trons-nous sur votre playe ? Sa Grran- 
deur lui répondit d'un accent tout 
transporté et embrasé de l'amour de 
Dieu et les mains jointes : Mon frère, 
je ne veux que Dieu, faiste tout ce 
qu'il vous plaira et ce que vous jugez 
qu'il faut faire 

" 5o La mortification au boire et au 
manger n'est pas le moindre point de 
ses vertus ; au contraire je crois que 
c'en est un des plus grands 

*' ...Je l'ay vu plus de cent fois gar 



y 



il 



— ^12 — 

der de la viande cuitte dans sa cham- 
bre (car comme vous sçavez, Mr., Sa 
Grandeur a toujours mangé dans sa 
chambre pendant les vingt dernières 
années de sa vie). Je l'ay vue, dis-je 
garder de la viande cuitte 5, 6, 7 et huit 
jours dans les chaleurs de l'été, et lors- 
qu'elle était toute moisie et pleine de 
vers, elle la lavait dans de l'eau chaude 
ou dans du bouillon de sa soupe, et 
ensuite la mangeait et me disait qu'elle 
était très bonne 

" En un mot je puis dire sans exagéra- 
tion que toute la vie de Sa G-randeur 
n'était qu'un jeûne continuel, car elle 
ne déjeunait point, et ne prenait tous 
les soirs que la valeur d'une légère 
collation 

" 6o Un autre point de mortification 
et d'humilité fort extraordinaire en une 
personne du rang, de la dignité, de l'âge, 
et des infirmitez de Monseigneur, est 
que Sa G-randeur ne m'a jamais permis, 
pendant toutes les vingt années que 



— 113 



j'ay eu l'honneur d'estre à son service, de 
faire quoy que ce soit pour son service, 
qu'elle ne l'ait pu faire elle-mesme, si bien 
qu'il fallait que je demeurasse les bras 
croisez pendant que Sa Grandeur fai- 
sait son feu, ballayait, desservait sa table, 
lavait son petit meuble de table, s'ha- 
billait, faisait son lit, etc., etc 

" Mais si j'ajoutais à cela et si je racon- 
tais toutes les fois que Sa Grandeur, 
nonobstant ma grossièreté, mon igno- 
rance, et toutes mes mauvaises qualitez, 
me consultait, demandait mes avis, me 
priait quoy que je ne fusse que son 

valet, c'est ce qui faisait l'étonne- 

ment des personnes qui ont connu le 
grand mérite, les grandes lumières et 
la profondeur des connaissances qu'avait 
Sa Grandeur quand je pense seule- 
ment à ses manières si tendres, si cha- 
ritables, si humbles et si déférentes de 
Sa Grandeur à mon égard, j'en ay le 
cœur si attendry que je m'en expli- 

8 



114 



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r i 



querais mieux par mes larmes que par 
mer paroles. 

" 80 Pour ce qui regarde sa charité et 
ses aumônes, c'est un point où les per- 
sonnes qui ont le mieux connu Sa Gran- 
deur auraient peine à en faire con- 
naître toute rétendue. J'ay autant de 
témoins de cette vérité qu'il y a de per- 
sonnes en Canada 

" ...Sa Grandeur l'automne dernier 
avant sa mort se voyant sans avoir de 
quoy faire l 'aumône, elle fit tout son possi- 
ble pour en avoir du Séminaire, mais le 
Séminaire estant lui-même à l'extrémité, 
n'ayant pas la moitié de ses besoins les 
plus essentiels et ne pouvant rien don- 
ner à Sa Grandeur pour faire ses aumô- 
nes (car ça. toujours été elle qui les a 
distribuées de ses propres mains) elle 
me dit d'une manière fort triste et fort 
touchante qu'elle ne pouvait pas vivre 
longtemps si elle n'avait pas de quoy 
donner aux pauvres, et effectivement 
Sa Grandeur n'a plus vescu que six 



— 115 — 



mois après, et elle s'est trouvée si 
dénuée des biens de ce monde qu'elle 
n'avait pas en mourant la valeur d'un 
sou dont elle peut disposer en faveur 
des pauvres 

" ...Quelques mois avant sa mort je 
vis encore dans le fond de sa cassette 
un petit couteau de 5 ou 6 sous ; je le 
demanday à Sa Grandeur et elle me le 
donna, mais d'une manière et d'un ton 
à me tirer les larmes des yeux : Mon 
enfanty me dit-elle, si je possède encore ce 
couteau, je vous le donne de bon cœur, afin 
de ne posséder plus rien sur la terre, et sois 
entièrement dégagé de tous les biens de ce 
monde ,..., 

" lOo je n'ay garde, Monsieur, d'entre- 
prendre de parler de la haute contem- 
plation et de l'union continuelle que 
Monseigneur avait avec Dieu, ce sont 
pour moy lettre close et je dois bien 
me contenter d'admirer ces voyes subli- 
mes et élevées dans lesquelles Dieu a 
conduit Sa Grandeur 



116^— 




" ...L'aversion qu'elle avait des moin- 
dres choses qui pouvaient tant soit peu 
ternir le lustre et la pureté de son âme, 

la portait à se confesser tous les 

jours avant de dire la Ste. messe. 

" ...Et c'est ce qui m'a excité à pren- 
dre la résolution, dès les premières 
années que j'ay été auprè de Sa Gran- 
deur, de rama'L'ser tout ce que je pouvais 
qui ait appartenu à sa sainte personne, 
et depuis son trépas à tremper des linges 
dans son sang, lorsqu'on Fa ouvert, 
à enlever quelques os ou cartilages de 
dessus sa poitrine et à couper ses che- 
veux et conserver ses habits et tout cela 
pour servir de très précieuses reliques. 

"Je crois, Monsieur, que vous et toutes 
les personnes bien intentionnées, ap- 
prouveront mon procédé en cela, comme 
efiec -"ement plus de trois mille per- 
sonnes de toutes sortes d'estat et condi- 
tions l'ont desjà approuvé en Canada, 
en demandant avec empressement 
et s'estimant bienheureuses d'avoir de 



— 117 — 



petites parcelles du dit linge et de ces 
précieux restes de mon dit Seigneur, 
qu'ils portent sur eux avec respect et 
dévotion, des capitaines mesmes et offi- 
ciers de troupes ont fait faire expré des 
reliquaires d'argent pour y en enfermer 
et les porter sur eux, étant mus à cela 
par l'idée et l'estime général que chacun 
a du grand mérite et de la haute sainteté 
de Mon dit Seigneur et par les secours 
extraordinaires et miraculeux que plu- 
sieurs ont reçus et reçoivent journelle- 
ment dans leurs infirmitez par l'invoca- 
tion de Mon dit Seigneur en s'appliqant 
des dites reliques ou les portant sur 

eux 

Fr. h. Houssart. 

Comme on le voit par cette lettre 
admirable et touchante du frère Hous- 
sart, les miracles eux-mêmes n'ont pas 
manqué à la gloire de Mgr de Laval, 
mais malheureusement il n'y en a pas 
eu de procès-verbaux, ou si on en a faits, 
ils ont été perdus comme ceux dressés 



118 



[I 



par M. le Grrand Vicaire Grlandelet. 
Plusieurs guérisons extraordinaires ont 
été attribuées à Mgr de Laval depuis 
la translation de ses restes, et nous pour- 
rions en citer un grand nombre. Conten- 
tons-nous de la suivante qui est abso- 
lument inédite et que nous tenons de 
la bouche même de MgrGravel, Evêque 
de Nicolet. 

En 1882, mademoiselle Eosa Hébert, 
alors âgé de 13 ans, était en promenade 
à Saint-Hyacinthe dont Mgr Grravel 
était alors le curé. 

La pauvre enfant souffrait d'une sur- 
dité qu'elle avait contractée à l'âge de 
deux ans, à la suite de fièvres scarlatines: 
elle ne pouvait rien entendre de ce qui 
se disait autour d'elle et ne parvenait 
à comprendre qu'à l'aide de signes et 
en suivant le mouvement des lèvres de 
ceux qui lui paiîaient; Mgr Gravel 
l'ayant rencontrée, lui demanda si elle 
désirait guérir, et si elle consentirait à 
porter sur elle une parcelle du tombeau 



- 119 «~ 

de Mgr de Laval, et à réciter tous les 
jours la prière autorisée par Mgr l'Arche- 
vêque de Québec. La pieuse enfant 
consentit avec joie, et se mit à invoquer 
avec ferveur son nouveau et puissant 
protecteur et à porter la petite relique. 
Presque de suite, il se produisit chez 
elle un changement remarquable, et 
chaque jour le mieux s'accentuait d'a- 
vantage; si bien que quelques mois après, 
mademoiselle Hébert put fréquenter les 
classes avec la même facilité que les au- 
tres élèves, trouvant même que celles-ci 
parlaient trop fort autour d'elle. L'en- 
fant, sa mère, et toute sa famille consi- 
dèrent cette cure comme miraculeuse 
et l'attribuent à l'intercession de Mgr 
de Laval. 

Mademoiselle Hébert demeure actu- 
ellement aux Etats-Unis; elle entend 
parfaitement. Le médecin qui l'avait 
soignée est prêt à rendre témoignage en 
faveur du miracle. • 

La vénérable mère de l'Incarnation 



120 



avait donc bien raison de dire que " Mgr 
de Laval porte lee marques et le carac- 
tère d'un saint, " puisqu'il a la réputa- 
tion et les vertus d'un saint, et au'on 
lui attribue, justement il semble, un 
grand nombre de guérisons miracu- 
leuses. Cependant, n'oublions pas que 
la canonisation d'un saint est l'une des 
plus grandes faveurs que le ciel puisse 
accorder à un pays. Ce ne sont pas 
quelques prières isolées, mais les prières, 
les cris vers le ciel, de tout un peuple, 
qui obtiendront de Dieu la glorification 
du premier Evêque et du Père de la 
Nouvelle-France. 

Oui, nous l'espérons, un jour viendra 
oii, "de Eome, la cité des triomphes et 
des longs souvenirs, la parole infaillible 
du Père commun de tous les fidèles 
annoncera au monde et à la ville que 
le nom de Laval est consigné au livre 
du Ciel. Et si l'Eglise glorifie son ser- 
viteur par cette couronne qu'elle ne 
réserve qu'à l'héroïsme de la vertu, et à 



121 



3 '' Mgr 
î carac- 
réputa- 
t qu'on 
ble, un 
airacu- 
as que 
ne des 
puisse 
it pas 
►rièrec», 
•euple, 
cation 
de la 



une sainteté irrécusable, cette gloiifica- 
tion sera le plus précieux, le plus bril- 
lant rayon de gloire attaché au front de 
l'Eglise de Québec. 

" Votre image, mille fois bénie, ô 
Laval ! apparaîtra radieuse sur nos au- 
tels ; et au culte de l'admiration et de 
la reconnaissance, le peuple canadien, 
que vous avez tant aimé, ajoutera celui 
de la prière et de l'invocation." (1) 



iendra 
hes et 
illible 
idèles 
e que 
livre 
n sér- 
ie ne 
i, et à 



(1) Eloge funèbre de Mgr de Laval par Mgr Ant. 
Racine. 



Note. 

A la page 36, c'est par erreur que 
Paul de Chomedy est donné comme 
le fais du fondateur de ViUemarie M 
de Maisonneuve n'était pas marié II 
avait servi de parrain à un Sauvage et 
lui avait donné son nom. 



Lr que 
îomme 
3. M. 
ié. Il 
ige et